Ou bien l’agriculture biologique est un projet politique, ou bien elle n’a pas d’avenir.

« Bloquer les conversions » pour enrayer la crise du bio : telle est la stratégie disruptive du président de la chambre Agriculture France, Sébastien Windsor. Voilà bien l’aveu d’un raisonnement absurde qui confond le marché avec l’économie, préfère le choix de la destruction à celui de la transition écologique, est prêt si besoin à réduire l’offre alimentaire pour faire monter les prix, quand une partie de la population a faim.

Ce raisonnement enferme l’agriculture biologique dans une niche de marché pour une partie privilégiée de la population, quand une autre partie des consommateurs, de plus en plus nombreux, doit pour se nourrir se contenter d’une alimentation industrielle de mauvaise qualité, même lorsqu’ils sont attentifs à leur santé et à celle des agriculteurs.trices. Ce discours entérine la vision scandaleuse d’une inégalité irréductible face à l’alimentation (besoin essentiel s’il en est) qui contribue à faire monter les frustrations et tensions dans la société.

Ce qu’illustre aussi ce raisonnement absurde, c’est la négation de la gravité des crises écologiques et agricoles.

Négation de la crise écologique, en cohérence avec une idéologie qui préfère la technologie à la science, qui ne respecte la nature que lorsqu’elle sert les intérêts du capital, qui refuse tout changement radical de mode de vie qui priverait du droit à polluer et à détruire pour faire du profit.

Négation de la crise agricole, à l’heure où même le Président de la République reconnaît (enfin) que la fixation d’un prix plancher est nécessaire pour garantir une rétribution juste et équitable du travail agricole, ce que ni le marché ni la PAC actuelle ne permettent.

Face à ce type de propos, les organisations de l’agriculture biologique doivent :

– réaffirmer sa dimension politique, qui ne se réduit pas seulement à l’application d’un cahier des charges,

– s’associer à la mobilisation agricole pour faire émerger la nécessité d’un revenu agricole minimal afin que les paysans puissent vivre dignement de leur travail indispensable à la société

– revendiquer les aides à la conversion, à l’installation et à la recherche publique, et ne pas se contenter de quelques trafics de subventions pour espérer relancer une… niche de marché !

Nous voulons une agriculture biologique pour tous.

Conception graphique et illustration Laurent Van helle

L’alimentation de tous doit être biologique

 

Dissolution des Soulèvements de la Terre : rétablissement du « délit de coalition »

La dissolution des Soulèvements de la Terre, décidée en conseil des ministres le 20 juin 2023, est un acte qui signe un changement de régime. Elle marque le refus du gouvernement de considérer que les électeurs et électrices sont aussi et d’abord des citoyens et citoyennes doué·es de raison, capables de prendre la pleine mesure de la tragédie que constituent le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité et de proposer des solutions; capables de s’engager pleinement, par voie de conséquence, en pensées et en actes. Elle marque le refus par le pouvoir de toute intervention de corps intermédiaires, sauf celles auxquelles il se soumet, comme la FNSEA. Elle fait faire, en somme, un grand bond en arrière à notre république.

L’acte de la dissolution des Soulèvements de la Terre et les menaces pesant sur d’autres mouvements, associations ou syndicats, constituent comme un retour au temps où valait la loi Le Chapelier par laquelle l’État se considérant comme seul garant de l’intérêt général, instaurait le délit de « coalition ». Depuis son instauration en 1791, il fallut plus d’un siècle pour que notre république soit enfin décrétée comme une république « démocratique et sociale » dans l’article premier de sa Constitution. Et un peu plus pour que la Charte de l’environnement de 2004 soit inscrite dans le préambule de la Constitution; la charte précisant bien :

  • que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ;

  • que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation.

  • que  « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » (Article 1er)

  • Et que « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement » (Article 2)

A ce titre, la dissolution des Soulèvements de la terre est un grand bond en arrière pour notre république. Elle s’opère dans la continuité d’une politique d’État d’urgence permanent instaurée depuis 2015 et d’une démocratie sous contrôle ce qui, comme le souligne le conseil d’État, est loin d’être de bon augure : « Sur le long terme, son usage est délétère : il déstabilise le fonctionnement ordinaire des institutions, en bouleversant le rôle du Parlement et des institutions territoriales, banalise le risque, restreint les libertés de façon excessive et altère, à terme, la cohésion sociale. »

La criminalisation des oppositions est d’autant plus inquiétante dans un contexte de renforcement des moyens de police où de nouvelles prérogatives lui sont accordées (entre autres, celle de pouvoir activer à distance tout appareil électronique, adoptée au mois de juin par l’Assemblée). Elle révèle l’état de fragilité d’un gouvernement incapable de réagir, sans déni ni violence, au fait qu’il n’y aura pas de croissance verte.

Nous sommes aujourd’hui gouvernés par des « spécialistes de la solution des problèmes », pour reprendre les termes d’Hannah Arendt à propos des membres de la commission Mac Namara, secrétaire d’État à la défense des USA, qui refusaient d’appréhender la réalité de la situation militaire sur le terrain de la guerre du Vietnam pour préserver « l’image » que les Américains se faisaient de leur pays. Faute d’arguments politiques, ce sont des arguments d’autorité qui prévalent pour le gouvernement qui considère que toute opposition à sa politique est un ennemi de l’intérieur.

Devant un tel durcissement autoritaire, nous n’avons pas d’autres choix que de faire preuve de sang-froid pour ne surtout pas se laisser exclure du champ politique et bien continuer d’agir comme des individus doués de raison, solidaires vis à vis des personnes les plus exposées par leur engagement, en pleine possession de nos capacités de penser et en droit de s’organiser pour produire de l’intérêt général. Plus que jamais, le mouvement écologique doit renforcer ses liens avec les femmes et les hommes engagés dans le monde du travail et des métiers. Face à un gouvernement dénué de toute capacité de penser, parce que coupé de la société, il reste à faire politique au niveau des territoires, à notre échelle, avec tous les habitant.e.s déterminé.e.s à ouvrir des espaces de dialogue, de recherche et de production qui nous épargnent la division et la guerre.

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Lire aussi : Minga, signataire de l’appel unitaire Sortir de l’Etat d’urgence (dec. 2015); Minga soutient « l’Appel des Soulèvements de la Terre (mars 2021)

1er mai 2023

Une fête populaire pour l’avenir de notre République démocratique et sociale.

illustration Laurent Vanhelle ©

L’exceptionnel mouvement social dressé contre la réforme des retraites s’est appuyé sur une unité syndicale déterminée, soucieuse de représenter le monde du travail et des métiers dans sa diversité et de mobiliser des foules humaines et citoyennes, en manifestations larges, massives, impressionnantes de dignité et de responsabilité. Un vibrant appel à la démocratie sociale comme pilier de notre République.

Cette résistance unitaire montre qu’aucune issue politique positive à une crise provoquée par le chef de l’État n’est concevable si elle ne vient pas du monde du travail, si elle n’est pas portée par l’ensemble du monde du travail, par les salariés, les étudiants, les gens en activité, en retraite et par ceux qui sont privés d’emploi.

Cette force démocratique qui s’est levée contre cette réforme, il nous faut continuer de la déployer face à un chef de l’État qui a oublié que sa fonction première est d’être le Président d’une République qui est le bien du peuple. Aucun progrès démocratique, aucune transition écologique ne sont possibles s’ils ne sont pas portés par le monde du travail et des métiers.

La fête du 1 mai qui active la mémoire du mouvement ouvrier ne défend pas seulement les droits de ceux pour qui le travail est la principale ressource, elle est aussi porteuse d’un projet qui s’adresse à l’ensemble de la société, et qui permet de vivre ensemble, c’est-à-dire de faire vivre l’esprit de notre république.

Quand le gouvernement et le président conduisent une politique qui vise à nous faire oublier que nous sommes des êtres de raison, maîtres de leur savoir, et citoyennes et citoyens libres et égaux d’une République, alors il est de la responsabilité de l’ensemble des organisations syndicales de maintenir l’unité et de l’élargir aux corps intermédiaires, avec l’ensemble des élu.e.s du pays, notamment les élu.e.s locaux qui représentent la République au plus près des habitant.e.s.

Minga, le 26 avril 2023

Illustration www.tengraphicdesign.net