L’Inflation n’est pas une fatalité

L’inflation est devenue le point aveugle de l’analyse politique en matière économique, aux meilleurs profits des profiteurs de crise, à commencer par la grande distribution et singulièrement le groupe Leclerc qui profite du contexte pour faire pression sur ses fournisseurs au nom du pouvoir d’achat. Nous refusons l’aumône des petits chèques et des bons d’achat du gouvernement : nous revendiquons l’indexation sur l’inflation de tous les salaires et pensions en dessous du revenu médian.


L’inflation est sur toutes les lèvres. Elle fait la une de l’actualité et est source de préoccupations de professionnels qui n’ont jamais rencontré cette situation et doivent apprendre sur le tas à faire avec. Pourtant, au-delà des mots creux, des slogans et des « primes de pouvoir d’achat », elle n’est pas le fruit d’imprévus et d’aléas mystérieux.

L’inflation, c’est d’abord celle de la masse monétaire. La planche à billet tourne à plein régime depuis la crise financière de 2008, avec une accélération formidable lors de la « crise sanitaire » et de son « quoiqu’il en coûte », pendant laquelle des masses d’argent considérables ont été créées (par l’endettement croissant des états et des entreprises). Or, c’est une loi économique très bien documentée, lorsque la masse de l’argent en circulation croît plus vite que la production, avec un petit temps de retard, les prix montent inexorablement ou plutôt, la valeur relative de la monnaie baisse, jusqu’à ce que la masse monétaire devienne proportionnée à l’économie qu’elle sert. Le phénomène est accentué par le fait que cet « argent magique » a été déversé en priorité vers les détenteurs de capital, qui se servent de taux d’intérêt réels 1 négatifs pour acheter aujourd’hui des actifs qu’ils pourront revendre plus chers demain, contribuant par leur spéculation à accélérer le phénomène de dévaluation de la monnaie.

L’inflation des prix est également liée à des pénuries conjoncturelles sur certains produits et services clefs. Or, ces pénuries, réelles, n’ont pas été administrées : les multinationales en position de monopole qui distribuent ces produits et services, sous prétexte de la loi du marché, voient leurs profits augmenter dans des proportions inégalées 2. Le système économique libéral, qui s’en remet uniquement à la loi de l’offre et de la demande, permet à une nouvelle espèce de « profiteurs de guerre » de s’enrichir considérablement en augmentant ses prix plus que nécessaire, accroissant le phénomène inflationniste au détriment des autres acteurs économiques et des citoyens, et le pouvoir politique peine à leur demander une légère contribution supplémentaire à l’effort collectif…

Parce qu’elle est une conséquence mécanique de modes de gestion économiques, et non un « accident », l’inflation va probablement durer encore. Elle est désormais un fait économique, et les réflexes individuels de crispation pour « lutter contre » sont voués à l’échec et auront comme seule conséquence tangible de fragiliser le tissu économique et social. Cependant, l’inflation n’est pas mauvaise « en soi ». Ce sont les réponses apportées, qui sont politiques et non techniques, qui décideront de notre avenir commun.

L’inflation est ainsi utilisée par nos adversaires pour diminuer les salaires et les pensions 3. Elle permet l’enrichissement spéculatif d’une élite ayant accès au financement magique à taux d’intérêts négatifs. La rente, qui combat l’indexation des salaires qui selon elle risquerait de « créer une spirale inflationniste », n’a pas peur de la contradiction quand, parallèlement, elle met en place pour elle-même l’indexation des rendements sur la dette publique qu’elle détient 4.

Mais l’inflation peut aussi, si on le décide, contribuer à réduire les inégalités de revenu et de patrimoine. En France, grâce à l’indexation du SMIC, les écarts de salaire ont légèrement diminué depuis le début de la période inflationniste. De plus, les loyers augmentant moins vite que l’inflation (et donc que la hausse du SMIC), pour un salarié au SMIC les loyers baissent enfin ! Enfin, elle peut également aider à alléger la dette et à affaiblir la rente, en faisant payer au capital improductif ses erreurs passées (à condition de refuser l’indexation de notre dette, qu’elle soit celle de l’Etat ou des particuliers 5).

Afin de lutter contre l’appauvrissement et pour une prospérité partagée, parce que nous abordons une période de bouleversements économiques et sociaux dans laquelle la cohésion sociale sera notre meilleur atout, parce qu’il n’est que justice que ceux qui ont profité de la manne financière soient ceux qui en paient les effets, nous revendiquons dès maintenant l’indexation de tous les salaires et pensions en dessous du revenu médian !

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1 Le taux d’intérêt réel est le taux d’intérêt nominal, moins l’inflation. Ainsi, un « prêt garanti par l’état » souscrit à 1% de taux d’intérêt, dans une période d’inflation de 6%, est considéré avoir un taux d’intérêt réel de -5%. L’emprunteur est rémunéré pour l’argent qu’on lui prête, et peut s’enrichir simplement en achetant des actifs touchés par l’inflation, ou bien de manière très sûre et sans effort des obligations d’état indexées sur l’inflation… Si malgré ces conditions très favorables l’emprunteur fait faillite avant de rembourser son emprunt, c’est le contribuable qui remboursera la banque, autrement dit l’Etat augmentera son déficit en émettant une obligation, potentiellement indexée sur l’inflation, que pourra acheter un emprunteur à taux d’intérêt réel négatif…

2 C’est ainsi que le groupe CMA CGM (transport maritime) multiplie son bénéfice par 10 en 2021, et l’augmente encore en 2022, grâce à des prix multipliés parfois par 10 sur certaines lignes. Ainsi que les bénéfices chez Total explosent. Ainsi que le gouvernement allemand autorise son assurance santé à augmenter de 50% le prix des médicaments pour que la pénurie ait lieu chez les autres, etc.

3 Les prix sont une valeur relative, par conséquent tout ce qui augmente moins vite que l’inflation baisse relativement. Contre toute intuition, l’inflation est en réalité un mécanisme qui permet la baisse de certains prix peu élastiques

5 Les prêts immobiliers à taux fixe que nous connaissons en France sont dans le collimateur des institutions financières européennes, qui aimeraient bien les voir remplacés par des taux indexés sur l’inflation, en vigueur outre-Manche pour deux millions de ménage qui voient leurs mensualités de remboursement s’envoler, en plus du reste.