Archives mensuelles : janvier 2016

Talibreizh, adhérent de Minga depuis 2008. Le combat pour la reconnaissance du métier de récoltant d’algues de rives

André berthou (Talibrez)

Talibreizh est une entreprise individuelle créée par André Berthou en 2003. Elle récolte et propose une large variété d’algues de rives, de coquillages (huitres, coques, palourdes, moules) et de conserves artisanales commercialisée en direct sur les marchés de La Forêt-Fouesnant et de Quimper, ainsi que dans un petit réseau d’épiceries fines ou bio et dans une AMAP à Quimper. Les algues sont proposées brutes, en paillettes, bouillies avec des huiles et en conserves.

Après avoir exercé une multitude de métiers (moniteur de voile, aide sociale à l’enfance, maraîcher, etc… ) André décide de se mettre à son compte avec la volonté de valoriser les algues et de les faire entrer dans les habitudes alimentaires. Refusant de se placer dans une logique de traitement social du chômage quand il travaillait dans l’action sociale à Douarnenez, il voit dans la valorisation artisanale de cette filière une perspective importante en matière de création d’emplois et d’activités (récolte, transformation et recherche, dans les domaines de l’alimentaire, de la cosmétique, de la pharmacopée…). En 2001, avec un brevet professionnel de «responsable d’exploitation aquacole maritime-continentale », indispensable pour obtenir une concession auprès des Affaires Maritimes, André peut envisager la création de son entreprise.

A cause de la pression foncière sur le littoral, André n’a pu trouver un local abordable qui soit adapté à une valorisation de sa récolte dans la cosmétique (savon, shampoing,…). Il s’est alors concentré sur l’alimentation et les coquillages. Avec 500 € en poche pour lever les fonds nécessaires à son installation, le parcours de la création n’a pas été des plus faciles. Grâce à une tontine, il a pu lever 3000€ et obtenir une caution de  Bretagne Développement Initiative  pour un emprunt de 13000€. Malheureusement, malgré un état correct, le bateau lié à la concession n’a pas eu l’autorisation de navigation. Sans bateau, pas de concession, donc la plus grande partie des emprunts a été mobilisée pour construire un bateau neuf.

L’insuffisance de capitaux initiaux contraint André à avoir un emploi alimentaire (mise en rayon dans une grande surface) pour consolider son outil de travail. Il lui a fallu passer 4 années à occuper un double temps de travail pour gagner son autonomie professionnelle.

André-Berthou2Jusqu’à 2005, le marché n’était pas structuré. Le régime d’autorisation accordé pour les algues en 2005 par les Affaires Maritimes précipite la création d’un syndicat professionnel de récoltants d’algues de rives (se distinguant du goémonier : récolte des algues marines par bateau avec un scoubidou ou un peigne norvégien). Mais les principaux acheteurs ne reconnaissent pas la spécificité du métier pour préserver la ressource, les conditions de vente déclarées ne permettent pas une rétribution du travail et traduisent la volonté des acheteurs de maintenir la profession dans la précarité pour réduire leurs frais d’approvisionnement. Le statut professionnel de «  récoltants d’algues de rives » n’existant toujours pas, ceux qui l’exercent restent déclarés à la Mutuelle Sociale Agricole sous un régime d’autorisation spécifique en tant que petite pêche en mer.

En 2008, avec dix de ses collègues, André dépose le statut d’un syndicat autonome à la mairie de Quimper et au greffe du tribunal de commerce : le Syndicat des Récoltants Professionnels d’Algues de Rives de Bretagne (SRPARB). Ils sont depuis une trentaine d’adhérents, représentant 35 % de la profession en Bretagne. Une organisation en syndicat qui permet à André de peser dans les comités des pêches et d’être soutenu par la communauté scientifique, très préoccupée par l’évolution du milieu marin (notamment l’acidification des océans, conséquence du réchauffement climatique). André est élu au Comité Départemental des Pêches en tant que chef d’entreprise de culture marine.

Avec la communauté scientifique (Ifremer, station biologique de Roscoff, le CNRS, l’université Pierre et Marie Curie, et l’UBO de Brest), il précise les zones de récolte, les dates d’ouverture et de fermeture, et valide les pratiques de récolte afin de préserver la ressource. Une grammaire métier se met petit à petit en place et André rédige avec Agrocampus le premier référentiel métier. Avec la reconnaissance du statut, la formation sera obligatoire.

Le 6 octobre 2015 a eu lieu un vote décisif de la « commission algues de rives » du Comité Régional des Pêches Maritimes et des Elevages Marins de Bretagne sur la reconnaissance de la spécificité du métier de récoltant d’algues de rives auprès de la direction interrégionale de la mer Nord Atlantique-Manche Ouest.  Comme la région Bretagne est la seule région où la profession est organisée, cette reconnaissance sera nationale. Après examen par la Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture, un projet de décret sera soumis à la signature de la ministre en charge de la mer qui reconnaîtra au plan national la profession d’algues de rives.

La reconnaissance du métier est un long combat face à des intérêts puissants. A travers la chambre syndicale des algues et végétaux marins, les industriels comme  notamment CARGILL et  DuPont de Nemours ont fait un intense lobbying pour qu’il n’y ait pas de reconnaissance du statut de la profession en 2001. Des algues laminaires sont extraites, les alginates, agents gélifiants naturels utilisés dans les flans, les glaces, les dentifrices (E400, E 407) et les algues sont également utilisées dans la pharmacie, la cosmétique, la thalassothérapie  et servent de nourriture animale et d’engrais.

Cette victoire dépasse le seul champ des algues. Elle indique comment des rapports de force peuvent s’organiser sur le sujet de la préservation de la ressource avec l’aide de la communauté scientifique. Que la préservation d’un milieu n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle, artisanale, et la création d’emploi, bien au contraire. Qu’une grammaire métier peut s’élaborer avec une profession et non lui être imposée par une norme industrielle dite de « bonne pratique ».

« Paysan de la mer en Bretagne » – documentaire réalisé par barak’art en 2010

André Berthou pêcheur d’algues à l’honneur sur webzineco.fr

Saveurs Italiennes, ou comment marier qualité et solidarité.

Depuis que la qualité de notre alimentation est devenue un sujet de préoccupation, et que les produits agro-industriels suscitent de la suspicion, les produits alimentaires artisanaux italiens ont le vent en poupe. Cet engouement, qui se traduit par une croissance marchande forte, n’est cependant pas forcément synonyme de maintien des savoir-faire artisanaux et agricoles. Elle s’accompagne parfois d’une exploitation féroce des travailleurs, notamment dans le sud de l’Italie.

Capture d’écran 2016-01-24 à 21.49.23Pour lutter contre cette exploitation et maintenir une exigence élevée en matière de qualité, les travailleurs agricoles des plantations d’agrumes bio de la région Rosarno, venant notamment de l’Afrique sub-saharienne et du Maghreb se sont, avec des producteurs et des particuliers, constitués en coopérative. Leur objet est de commercialiser des agrumes de qualité à un prix équitable qui permet de dégager un revenu décent pour les agriculteurs et les travailleurs saisonniers.

L’Olivetta, structure importatrice de ces produits en France, sera présente aux rencontres « Alimentons nous » organisée par Minga lundi 14 mars prochain à Saint Denis. En plus des agrumes, l’Olivetta propose une large gamme de produits alimentaires artisanaux de qualité, biologiques pour la plupart, en provenance des Pouilles et de Calabre (pâtes aux blés anciens, huiles d’olives, antipasti et conserves…).

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Sa présence illustre combien maintenir et renforcer des circuits alimentaires de proximité, c’est aussi encourager des circuits ouverts à une coopération avec tous les travailleurs, artisans et agriculteurs d’une filière soucieux d’associer qualité des produits et qualité des modes de productions et d’échanges.

http://www.lolivetta.fr

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« Les Racines du Ciel » adhère à Minga

IMG_0884« Les Racines du Ciel » est une SARL de création de vêtements fondée en juillet 2005 à l’initiative de Nathalie Goyette et de Christian Tournafol, s’inscrivant dans une démarche écologique et équitable. Le nom de l’entreprise est un hommage au livre de Romain Gary, prix Goncourt 1956, roman écologique sur l’extermination des éléphants en Afrique centrale à la fin de l’empire colonial français.

Nathalie et Christian, respectivement acheteuse pour une grande marque française au Japon, et styliste, aiment les beaux vêtements, les belles matières et tous les savoir-faire qui s’y rattachent. Passer de la fast fashion où l’achat compulsif fait oublier le vêtement et ceux qui les produisent au slow wear, où la marchandise redevient un vêtement que l’on aime porter dans le temps, positionne l’objet de leur entreprise.

Travaillant des matières écologiques associées à des modes de production respectueux des règles de l’O.I.T.( Organisation internationale du Travail), Les Racines du Ciel a toujours refusé de réduire ses engagements écologiques et éthiques à un argument de vente : la qualité du produit est le vecteur des engagements de l’entreprise.

L’entreprise réalise deux collections par an (Hiver, Été) qui sont distribuées dans des magasins multi-marques en France et à l’international.

Comment avez-vous fait pour trouver des financements sur le secteur d’activité fragilisé du textile en France, de surcroît avec des engagements éthiques ?

Après avoir suivi le stage de Quatre Mâts Développement sur le sujet du commerce équitable pour construire un plan d’affaire, c’est dans un premier temps Dominique Carliez, au titre de président du directoire de la Société Coopérative de capital Risque Garrigue, qui a soutenu le projet. À partir de ce soutien, nous avons obtenu l’investissement de Bretagne Capital Solidaire (B.C.S.) qui a facilité une aide auprès de la banque sans caution personnelle. Aujourd’hui l’ensemble des crédits a été remboursé.

Au moment de la création, avec le désir d’entreprendre rapidement, j’ai sous-évalué les besoins en trésorerie. Par conséquent, maintenir le niveau d’exigence que nous nous sommes fixé s’est fait au détriment de la rétribution de notre travail et par un surinvestissement en temps.

Comment faites-vous pour choisir vos matières et vos façonniers ?

Par le hasard des rencontres et par une veille permanente auprès d’articles de journaux. Mais globalement, l’offre de matières écologiques de qualité est restreinte dans sa diversité.

Au niveau des usines, le choix retenu est un niveau de standard élevé en matière d’engagements sociaux. Nous recherchons des pôles de production cohérents qui regroupent dans un petit périmètre filature, confection et teinture par souci écologique et pour faciliter la production. C’est surtout le cas pour la confection de nos jerseys en coupé-cousu au Portugal.

Est-il facile de défendre des savoir-faire artisanaux ?

Non, car le calendrier de 2 collections par an est peu compatible avec le rythme d’une production artisanale. De plus, le produit livré doit être strictement conforme à la collection présentée, ce qui dans un processus artisanal est très difficile à tenir.

Seule une responsabilité partagée par l’ensemble de la filière jusqu’au consommateur peut aider à la préservation des savoir-faire artisanaux, en dehors des pôles de luxe.

En 10 ans, beaucoup d’entreprises dans la mode éthique ont disparu. Avec le recul, quel regard portez-vous sur la mode éthique ?

Éthique ou pas, le secteur du textile est marqué par un grand turnover, à fortiori quand on assume un engagement équitable et écologique avec des prix plus chers. Entre les déclarations de bonne intention d’achat et la réalité, il y a un gouffre. Les marques qui ont fait passer leur engagement avant la qualité du produit ont plus de mal à tenir durablement.

Les détaillants multi-marques indépendants semblent aussi peiner à se maintenir. Est-ce que cela affecte votre entreprise ?

Sans un réseau de détaillants multi marques « les Racines du Ciel » n’aurait pas pu voir le jour. Nous sommes donc particulièrement sensibles aux difficultés que rencontrent les détaillants indépendants, particulièrement en France : immobilisation foncière conséquente, saison décalée, solde flottante…
Les clients n’ont plus de repère en terme de prix. Comme pour d’autres secteurs d’activités, et malgré le développement de la vente en ligne, le maintien des commerces de proximité est important pour la vie des centres-ville.

Quels ont été les moments les plus difficiles qui ont failli vous faire renoncer ?

Les difficultés de production et de ne pas se sentir toujours à la hauteur des exigences que nous nous sommes données.

Quels sont vos plus grands moments de satisfaction ?

Découvrir de nouvelles matières et la satisfaction de nos clients. Arriver après des années d’efforts à pouvoir nous rétribuer correctement.

Quels sont vos projets ?

Reprendre un second souffle et lancer une collection pour homme fin 2016. À terme, réfléchir avec d’autres partenaires à des espaces de ventes pour défendre un art de vivre d’une sobriété élégante, en peu sur le modèle des boutiques « lifestyle » qui sont assez développées au Japon.

Après un long compagnonnage avec Minga, quelles sont les raisons qui vous invitent aujourd’hui à nous rejoindre ?

Se regrouper pour peser ensemble sur des choix de développement et des choix de société que nous partageons avec Minga.

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Les Racines du Ciel
3, rue Jules Simon
29 000 Quimper
02  98  53  68  45

http://les-racines-du-ciel.com/