Archives mensuelles : février 2014

Négociations Unédic : travail n’est pas un coût, le chômage n’est pas un délit

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Les négociations entre les partenaires sociaux pour élaborer la convention Unédic 20142017 ont débuté le 17 janvier dernier. Encore une fois, il n’est question que de limiter le droit à l’assurance-chômage, sous quelque modalité que ce soit : dégressivité des aides,allongement de la durée de cotisation nécessaire à l’ouverture de droits, durcissement des critères de la « recherche active d’emploi », harmonisation par le bas en supprimant les annexes concernant les intérimaires et les intermittent.e.s du spectacle… Les chômeuses et les chômeurs sont considéré.e.s comme des « profiteurs du système », alors que les revenus du capital continuent d’augmenter, et que c’est la recherche effrénée de plus-values financières qui produit du chômage.

Nous, travailleur.se.s autonomes, co-entrepreneur.e.s de nos entreprises coopératives, artisan.e.s, paysan.ne.s, artistes et technicien.ne.s du spectacle… que nous soyons salarié.e.s, intermittent.e.s, indépendant.e.s, chômeur.se.s, nous sommes consterné.e.s de voir remis en cause ce droit essentiel.

Pourquoi ne met-on jamais en regard le déficit de l’Unédic avec les baisses de cotisations patronales concédées par tous les gouvernements depuis les années 1990 ? Pourquoi s’étonne-t-on du déficit de l’Unédic en période de crise, en se focalisant sur l’augmentation des dépenses, plutôt que sur la possibilité de financement que pourrait constituer la taxation des revenus du capital ? Pourquoi ne s’intéresse-t-on pas au fait que nos entreprises faiblement capitalisées sont de moins en moins en mesure de maintenir ou de proposer des emplois dignes et pérennes ? Pourquoi ne prend-on pas la mesure de la vraie catastrophe sociale qui se joue lorsqu’un.e chômeur.se sur deux n’est pas indemnisé.e ?

A croire que l’Unédic est devenue une société d’assurance ! A-t-on oublié que ce régime est fondé sur le principe de la solidarité interprofessionnelle, pour que le monde du travail ne soit pas soumis aux seuls impératifs de flexibilité des grandes entreprises qui traitent, bien souvent, le travail comme une marchandise, et les salarié.e.s comme une variable d’ajustement ?

Pourquoi la réforme de l’Unédic ne pourrait pas constituer l’occasion d’un renforcement des liens de solidarité dans le pays à travers une discussion interprofessionnelle élargie à l’ensemble du monde du travail ? Il est temps de s’émanciper d’un modèle d’équilibre basé sur une croissance vide de sens et d’imaginer un nouveau modèle, plutôt que d’être rivés aux indices de notation des agences Fitch Ratings, Moody’s et Standard&Poor’s. L’Unédic a emprunté 7 milliards sur les marchés financiers : loin des négociations paritaires ou de l’intérêt général, l’avis de ces agences pèse lourd sur les décisions de gestion de l’assurance-chômage.

Alors que la discontinuité de l’emploi s’est imposée comme une réalité depuis bien longtemps, alors que l’entrée dans le monde du travail est de plus en plus difficile pour les jeunes, les négociations Unédic entretiennent une vision dépassée du travail, fondée sur la linéarité des carrières. Il y a aujourd’hui en France 9 millions de travailleur.se.s précaires ou sans emploi : le chômage est utilisé comme un outil pour mettre les travailleur.se.s en concurrence entre eux/elles et dégrader l’ensemble des conditions de travail, dans le public comme dans le privé, pour les salarié.e.s comme pour les indépendant.e.s. Sans compter que l’auto-entreprenariat est considéré, malheureusement, comme une solution au chômage…Nous faisons partie de cette part croissante des travailleur.se.s qui ne se satisfait pas d’être contrainte d’accepter d’être subordonnée pour bénéficier d’une bonne protection sociale.

Citoyen.ne.s, nous n’acceptons pas que la démocratie s’arrête aux portes des entreprises. Professionnel.le.s, nous refusons que l’impératif de productivité et de rentabilité financière continue à primer sur la qualité de la production, des rapports sociaux dans l’entreprise, la déontologie, la pratique et la transmission de nos métiers et savoir-faire. Nous sommes de plus en plus nombreux.ses à vouloir reprendre le contrôle de nos vies et de notre travail en contribuant à l’économie réelle et en répondant à des besoins sociaux, parfois urgents, négligés par la puissance publique.

L’assurance-chômage constitue un rempart contre la toute-puissance des employeurs et donneurs d’ordre pour qui le lien de subordination est un moyen de soumission. Elle nous prémunit contre les hoquets d’un « marché du travail » chaotique. Elle nous permet de ne pas accepter n’importe quel emploi, dans n’importe quelles conditions. Elle nous donne les moyens de développer des activités et des entreprises sources d’emplois choisis. Combien d’associations, de coopératives – des structures de cette économie sociale et solidaire que l’actuel gouvernement sait si bien mettre à l’honneur – auraient pu se développer si nous, qui n’avons pas accès au capital, n’avions pu nous appuyer sur les revenus issus de l’assurance-chômage ? Combien de compagnies de théâtre, de lieux culturels, de petites entreprises de production audiovisuelle existeraient encore sans l’intermittence ? Il est urgent de penser un système d’assurance-chômage, et plus globalement de protection sociale, qui garantisse une continuité de revenus et de droits à l’ensemble des travailleur.se.s.

L’autonomie dans le travail et le refus de sa marchandisation, que nous appelons de nos vœux, ne peuvent pas se construire en dehors d’un cadre de protection sociale solidaire et interprofessionnel. Les actuels « bénéficiaires » de l’assurance-chômage ne peuvent pas être tenus pour responsables de la crise et du déficit de l’Unédic qu’elle entraîne, ni laissés seuls lorsqu’il s’agit de se battre pour conserver et étendre les droits d’une conquête sociale essentielle pour l’ensemble des travailleur.se.s : nous sommes toutes et tous concerné.e.s.

Pour lutter contre la régression sociale, pour un autre partage des richesses, pour faire entendre qu’un autre modèle de société est possible, nous appelons à renforcer la mobilisation en cours pour faire exister autour de ces négociations Unédic le débat politique qu’elles méritent.

27 Février 2014

Premiers signataires : Minga, Coopaname, Compagnie N.A.J.E, Esscoop, la Manufacture coopérative, Artenréel, les Matermittentes, SCOP Ozon, Lazzi Théâtre, Oxalis Scop, Vecteur Activités, ATTAC France, Solstice, Scic Smartfr, La Revue Eclair, Libre Informatique, Sud Culture Solidaires 34, Coordination des Intermittents et Précaires IdF, Scop276, Compagnie Jolie Môme, Scop La Navette, La Tribouille, C Cédille, Odyssée Création, ktha compagnie, Recours Radiation, Naï No Production, Ekitour, Union Syndicale Solidaires, SIPMCS-CNT, La Famille Goldini, Evaléco, RESEAU Ecobâtir, Scop EMI-CFD, Artefact 93, Alice coopératif concept, Mouvement de l’économie solidaire
Nous contacter : letravailnestpasuncout@laposte.net

La Ferme du Vastel adhère à MINGA

vastel image 1En reprenant une veille ferme normande de 12,5 hectares, située dans le bocage valognais, Christophe Bouvet a redonné vie à son activité agricole. La ferme appartenant à ses grands-parents était en sommeil depuis les années 60. Engagé dans une démarche d’agriculture biologique, mais allant bien au-delà du cahier des charges de la certification AB, la ferme produit du cidre (sans souffres ajoutés, ni calcium, ni enzymes), des jus de pommes et boissons alcoolisées à base de fleurs de sureau, des condiments comme la Surelle, condiment à base de fleur de sureau (comme un vinaigre, mais ne comprend pas les 5 degrés d’acidité), elle accompagne les salades, les huîtres, et s’utilise pour déglacer la sauce des poissons.

C’est en devenant fermier en 2007 que Christophe, après avoir été animateur en environnement, s’applique à lui-même les prescriptions pour préserver la biodiversité. La qualité, c’est maintenir une activité agricole cohérente avec le milieu naturel. Cela implique de travailler le milieu en laissant de la place au vivant (restauration de mares, fabrication de murets en pierres sèches, pose de nichoirs, préservation de bois mort, restauration de talus, plessage de haie…) pour laisser vivre les auxiliaires naturels (oiseaux, chauve-souris, coccinelles… ) sans avoir recours aux produits de traitement.

vastel image 2Le vivant c’est risqué, mais moins que le nucléaire !

Bien que l’agro-industrie nous ait fait oublier cette évidence, une activité agricole ce n’est pas travailler avec des matières inertes, c’est accepter que le vivant soit capricieux. Laisser la place à la nature dans la production, c’est forcément prendre des risques, dont la maîtrise participe de la grammaire du métier de fermier. À force d’utiliser des produits de la chimie de synthèse, c’est petit à petit, tout un savoir qui s’est perdu et qu’il faut réapprendre empiriquement. Et parfois la pente est raide !
En 2012 une contamination aux « framboisé » (le produit n’est pas nocif pour les consommateurs, mais son goût est désagréable) a entraîné la perte totale de la production de cidre et a bien failli mettre un terme à l’activité de la ferme. Soutenu par quelques amis, dont une « bonne fée », proche de Minga, Christophe lance une souscription, en septembre, relayée par les médias ( http://basse-normandie.france3.fr/2013/10/24/un-producteur-de-cidre-bio-fait-appel-la-solidarite-des-internautes-344689.html). En quatre mois, une centaine de souscripteurs ont permis à la ferme de passer l’hiver et de poursuivre son activité.

Le besoin de sortir de temps en temps le nez du guidon, d’élargir les horizons, d’échanger avec des gens qui n’ont pas forcément la même activité, mais qui partagent des convictions communes, l’ont conduit à adhérer à MINGA. En adhérant, Christophe découvre également un réseau de professionnels permettant de nouer des relations commerciales et de construire des coopérations.

Bienvenue à bord !

Ferme du Vastel
Le Vastel, 50630 Teurthéville-Bocage
09 64 16 52 73 ‎
www.lafermeduvastel.net
https://fr-fr.facebook.com/ferme.duvastel

Logo : Tony Duran Photo : Vanessa Merle