Croire que la croissance d’un marché permet de faire avancer un projet de société, c’est comme croire au père Noël quand on est adulte. Or il semble que cette croyance soit encore fortement ancrée dans les organisations de la bio, occultant l’industrialisation de la filière à l’œuvre depuis plus d’une décennie.
La décision du 11 juillet du Comité national de l’agriculture biologique d’accepter le chauffage des serres pour la production française de légumes bio afin d’étendre leur saisonnalité satisfait les intérêts des acteurs de l’agrobusiness, au détriment des engagements à tenir en matière de réduction des émissions de GES et d’évolutions des pratiques de production, d’échanges et de consommation alimentaires. Si cette décision était accompagnée par une obligation d’étiquetage « tomates issues de serres chauffées », qu’elles soient importées ou produites en France, avec ou sans énergies renouvelables (qui peuvent justifier le développement d’élevages industriels pour produire de l’énergie par la méthanisation), on aurait pu considérer qu’il s’agit d’un « compromis ». Mais là, pour tous ceux qui ont soutenu la mobilisation contre les « serres chauffées », le vote de la FNAB (Fédération Nationale d’Agriculture Biologique) en faveur de cette décision est une trahison. En France, en Europe ou à l’international, une agriculture biologique qui ne respecte pas la saisonnalité n’est pas biologique.
Le fait que le nouveau règlement européen de la bio qualifie la semence de « matériel » n’était déjà pas le moindre des indices de cette industrialisation de la bio. Croire que la libération du marché de la semence, ou de la bio en général, permet la promotion d’une biodiversité cultivée sans perdre en qualité, c’est être les idiots utiles des multinationales qui veulent artificialiser le vivant par de nouveaux OGM1. Croire qu’un nouveau signe de qualité plus bio que bio est la solution et que les marchés peuvent s’auto-réguler, c’est persévérer dans l’échec.
Le corporatisme agricole (y compris le corporatisme bio) est l’agent de la destruction de la profession agricole, de la désertification du milieu rural et de l’effondrement des écosystèmes. Pour que toutes les agricultures soient réellement biologiques, il est urgent de tourner la page.
Défendre la biodiversité cultivée, ce n’est pas un slogan commercial, c’est promouvoir un changement de culture économique qui ne confond pas croissance et développement et ne s’affranchie plus de la diversité des réalités géographiques, sociales, économiques et culturelles des territoires au détriment du respect de l’intégrité, de la responsabilité, de l’humanité même des habitants et de tous les métiers concernés.
La biodiversité cultivée invite fortement à bâtir de nouvelles alliances avec la base, au sein et entre les différents mondes du travail et des métiers : repolitisons-nous !
Minga – Faire Ensemble, le 12 juillet 2019
1– cf. notamment le développement des techniques de mutagenèse, les nouveaux règlements visant à masquer les techniques d’obtention et à éviter les procédures d’évaluation des nouvelles variétés, la présence d’hybrides F1 labellisés bio, dans les catalogues de grands semenciers mais aussi promus par des organisations bio.