Entre les deux tours de l’élection présidentielle, le 1er mai prend cette année un caractère particulier. Alors que cette journée est célébrée à toutes les sauces, il est nécessaire de rappeler :
– aux uns qu’à l’origine, le 1er mai est la Fête des Travailleurs créée par la IIème Internationale à la suite de la grève générale du 1er mai 1886 qui permis aux ouvriers américains d’obtenir la journée de 8 h de travail.
– et aux autres pressés d’être appelés à une destinée nationale, persuadés que l’on change un pays à partir d’un cabinet ministériel, que le changement ne dépend pas seulement de promesses électorales mais d’une société mobilisée sur son avenir, capable d’affronter ses défis sociaux et écologiques, et ce d’autant plus que la crise démocratique est devant nous et traverse tout le continent européen.
Célébrer la Fête des Travailleurs dans la rue, c’est marquer solennellement le caractère nécessaire des expressions et des mobilisations citoyennes autour des droits et des enjeux fondamentaux de la vie humaine. Et c’est loin d’être un luxe aujourd’hui. L’évolution vers des régimes autocratiques et répressifs est à craindre quand des gouvernements n’ont comme seule politique que d’imposer des mesures d’austérité pour préserver un système financier mondial corrompu. En Grèce, pour maintenir l’ordre social, la mise en place d’un régime militaire commence à être évoquée ouvertement comme une option nécessaire… En Espagne, le Ministre de l’Intérieur a récemment annoncé qu’organiser des rassemblements protestataires par Internet sera qualifié de « délit de participation à une organisation criminelle ». En France, ce sont les marches des jeunes indignés parties des quatre coins du pays qui ont été accueillies le 18 avril, à leur arrivée en région parisienne, par les forces de police pour placer des marcheurs en détention. Notre pays n’est pas à l’abri des menaces qui pèsent sur la démocratie.
Porter atteinte au droit de grève et d’expression citoyenne comme à la liberté syndicale, c’est aussi interdire aux peuples le droit de construire une économie qui réponde d’abord à ses besoins. En tant qu’organisation politique et professionnelle non corporatiste, œuvrant pour une économie équitable et contre l’économie de la rente, nous situons notre action dans le champ d’une économie sociale et solidaire qui s’inscrit dans l’histoire du mouvement ouvrier et de ses conquêtes sociales. Celles-ci sont plus que jamais à défendre et à élargir. Il y a une nécessité impérieuse à ré-ouvrir, ce jour- même, le débat avec l’ensemble du monde du travail.
S’ouvrir à l’ensemble du monde du travail, c’est reconnaître que les professionnels indépendants, les artisans, les commerçants, les paysans ou les agriculteurs, sont des travailleurs comme les autres et qu’ils défendent tous à travers leurs métiers respectifs, souvent au prix de la précarité, le droit de bien faire leur travail en soi et pour soi, en contribuant ainsi à la société à laquelle ils aspirent.
S’ouvrir à l’ensemble du monde du travail, c’est reconnaître tous ceux qui en sont exclus.
S’ouvrir à l’ensemble du monde du travail, c’est aussi faire reconnaître les organisations syndicales comme acteurs à part entière de l’Economie Sociale et Solidaire, et ce d’autant que l’ESS doit se confronter aujourd’hui à l’offensive idéologique du « social business » qui fait de la pauvreté et de la précarité un marché comme un autre. Pour ses promoteurs, il s’agit d’appliquer à l’ESS les mêmes modes de management et de gestion qui ont conduit l’économie là où elle en est : compétitivité exacerbée, objectifs quantitatifs, rentabilité immédiate écrasant toujours les salariés qui ont peu droit à la parole….. En remettant en cause le principe de non-lucrativité et les sociétés de personnes (coopératives, mutuelles), cette offensive vise à privatiser ce qui ne l’est pas encore (santé, éducation, services à la personne) et à réduire le dialogue social à la rédaction de cahiers des charges qui normaliseraient les pratiques sociales.
Pour que l’Économie Sociale et Solidaire vive à travers les principes qui l’ont toujours sous-tendue : coopération, équité, dialogue, diversité, il y a urgence à s’opposer à cette normalisation et à re-populariser l’économie que nous voulons construire avec le plus grand nombre. C’est dans le partage d’idées, dans le débat avec le monde du travail au sens large, que nous pourrons imaginer une économie qui ne soit pas un ’’tiers-secteur’’ livré aux règles du marché mais une alternative démocratique à un modèle à bout de souffle.
La tâche est immense. Elle n’en est que plus enthousiasmante.
Pour une solidarité de tous les travailleurs, Vive le 1er Mai !
Minga, le 27 avril 2012
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