Agro-business ou économie équitable : il est temps d’ouvrir le débat sur le modèle économique de l’agriculture biologique.
Dès son origine, au sortir de la première guerre mondiale, l’agriculture biologique a été porteuse d’un projet de réconciliation et d’apaisement des rapports entre l’Homme et la nature et des relations entre les êtres humains, pour avancer vers une société plus conviviale.
Aujourd’hui la bio, mouvement social, est devenu le bio, secteur marchand : un segment de marché alimentaire identifié par des labels et porté par des organisations professionnelles et syndicales agissant comme des «gestionnaires de marques» et tendant à adopter un modèle économique qui emprunte de plus en plus aux méthodes et aux logiques de développement fort peu conviviales de l’agrobusiness.
La crise sociale récente de la société de contrôle Ecocert1, dans ce qu’elle a révélé en terme d’injustice sociale, en est une illustration parmi d’autres. Elle est la résultante de la marchandisation des activités de contrôle. Les intérêts des organismes privés de certification prennent vite le pas sur la qualité des produits et des pratiques métiers, entravant les progrès professionnels en matière de cohérence écologique.
Quand respecter la santé animale se réduit à appliquer un cahier des charges qui permet que la surface totale des bâtiments des élevages de poulets de chair puisse atteindre 1600 m² et que le nombre de volailles en bâtiment mobile soit de 16 par mètre carré2, un mode de production bio, de type usine des mille vaches, devient hélas parfaitement envisageable.
Cette évolution vers toujours plus de concentration industrielle des moyens de production se manifeste également dans le secteur de la distribution de la bio. Les centrales d’achat comme celle du réseau Biocoop se développent selon un mode de gestion centralisée qui réduit la marge de manœuvre des détaillants dans le choix de leur approvisionnement de proximité.
Au sein comme autour des organisations, parmi les travailleurs (producteurs, commerçants, salariés) et les consommateurs, émergent des tensions qui expriment un malaise au regard des limites d’un modèle agro-industriel incapable de relever les défis alimentaires, écologiques, sociaux et démocratiques de notre temps.
Pour Minga, la qualité des produits est indissociable de la qualité des relations humaines de productions et des échanges. Autour de cette exigence d’intérêt général, nous souhaitons ouvrir le débat avec tous ceux et toutes celles qui veulent renforcer la capacité de la bio à se développer dans le sens d’une économie équitable.
Minga, le 12 mai 2015
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1http://www.reporterre.net/Les-salaries-du-geant-de-l
2«conséquence de se développement des élevages intensifs de poulets bio : la multiplication des risques sanitaires. La nouvelle réglementation interdit les traitements préventifs allopathiques mais permet l’utilisation des antibiotiques (un par an pour les poulets de chair et trois par an pour les poules pondeuses)». P 74 « la bio entre business et projet de société», sous la direction de Philippe Bacqué, édition Agone.