Appel à rejoindre le Front Populaire, social et écologique pour les élections et après.

TABULA RASA – Laurent Vanhelle

La période que nous traversons n’est pas seulement une crise politique, elle est une crise institutionnelle profonde. Elle est l’aboutissement d’une marginalisation systématique de tous les corps intermédiaires mais aussi d’une confusion délétère, portée a son paroxysme par le chef de l’État, entre présider une république et gouverner un pays. Cette confusion met en danger l’État de droit par son alliance servile avec le capitalisme financier et ouvre la porte du pouvoir aux forces réactionnaires, nostalgiques d’une république qui se voulait empire. On en mesure aujourd’hui les dégâts en Nouvelle Calédonie, ainsi que dans la relation entretenue aux quartiers populaires.

Au fondement de Minga, il y a l’article 23 de la Déclaration universelle des droits humains :

« 1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.
4. Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. »

C’est autour de cette exigence que se sont fondées les premières filières de commerce équitable en Amérique latine ou en Afrique. On doit au passage saluer la mémoire de Michel Besson, le fondateur de Minga qui a tant donné pour maintenir cette exigence toute sa vie.

Se revendiquer de la déclaration universelle des droits humains, c’est s’affirmer humaniste. Humaniste, non pas seulement comme une sensibilité philosophique, mais bien comme une affirmation politique contemporaine (très éloignée de l’humanitaire), telle que portée au XVIIIe siècle face à l’absolutisme et l’arbitraire. Humaniste, pour se confronter à un antihumanisme, réactionnaire ou scientiste (transhumanisme), qui engage à se ressaisir de notre condition de citoyen.ne, sensible et responsable, amené.e à évoluer en se comprenant comme vivant doué de raison reliée à d’autres vivants.

Nous serons incapables de relever les défis écologiques et leurs conséquences sans mobiliser la société. Mais force est de constater que le Pouvoir, avec l’aide des technologies numériques et des caméras de surveillance partout dans l’espace public, entretient une relation de défiance et de contrôle non seulement de nos pensées, mais aussi de nos modes de vie, même les plus intimes.

Il ne peut y avoir de progrès si nous sommes gouvernés par des « experts » qui pensent l’organisation du travail à la place de ceux qui le réalisent, et qui criminalisent la pauvreté pour faire évoluer le marché du travail afin de répondre aux appétits féroces d’un capitalisme en mutation, particulièrement quand il prend la forme d’un capitalisme de surveillance, d’addiction et de contrôle par les Gafam (Google/Alphabet, Apple, Facebook/Meta, Amazon et Microsoft) et dessine un nouvel ordre mondial qui épuise nos attentions en ne s’adressant qu’à nos seuls affects; chacun se retrouvant enfermé dans des bulles idéologiques rassurantes.

Les discours patronaux tentés par le vote RN, sont globalement les mêmes que ceux du patronat européen d’avant-guerre qui a financé le fascisme en Italie et le nazisme en Allemagne et soutenu le régime de Vichy. À tous ces dirigeants patronaux et financiers tentés par le vote RN, nous recommandons la lecture du livre « L’Ordre du jour » d’Éric Vuillard ou de revoir le film « Les Damnés » de Visconti. Quand le patronat se prépare à collaborer avec le RN, qu’il mesure bien que le RN n’est pas seulement porté par une idéologie de conquête du pouvoir, mais bien un projet de société réactionnaire.

Aujourd’hui la situation oblige l’économie sociale et solidaire (ESS), dont Minga fait partie, à faire un sérieux examen de conscience. Son désir de reconnaissance par l’État l’a conduit à oublier que les conquêtes sociales et les combats du monde ouvrier, notamment sur les conditions de travail et d’emploi des salariés, font partie de son héritage. L’oublier, c’est avoir contribué à légitimer l’idéologie néo-philanthropique des multinationales (le social business, l’entrepreneur social), qui nie notre existence sociale, accompagne la destruction des services publics, qui décide de qui mérite assistance (le « bon » pauvre), de qui doit en être écarté. Les scandales à répétition de la fin de vie de nos aîné.es dans les EHPAD privés lucratifs sont une lamentable illustration de ce qui se passe lorsque la dégradation du financement public et les défaillances des EHPAD publics et DE l’ESS favorisent la privatisation du secteur. Les initiatives d’ESS dont nous nous réclamons ne sont d’intérêt général que lorsqu’elles contribuent à alimenter le débat public, sans se substituer à des politiques publiques. Notre rôle, c’est précisément de repolitiser le corps social autour des conditions de travail, des déontologies de métiers, des contributions à l’écologie (des modes de production, d’organisation du travail, des modes vie et de consommation)… là où les politiques actuelles attisent et utilisent les peurs et les préoccupations d’ordre identitaire.

Parce que nous ne nous contentons plus de promesses électorales, avec les forces syndicales et associatives, nous nous associons à un Front Populaire social et écologique, qui pour nous n’est pas une étiquette électorale, mais la bannière d’un mouvement social plus large, qui a vocation à s’inscrire dans la durée et à se traduire par de multiples luttes, coopérations et initiatives de solidarité au cœur des territoires, pour restaurer et renforcer notre démocratie et notre République.