Archives de catégorie : artisan semencier

Communiqué du Syndicat des Artisans Semenciers

Le métier d’artisan semencier n’est pas soluble dans l’agro bio industrielle

L’intérêt grandissant que porte l’opinion pour les semences libres de droit est une bonne nouvelle. Il ouvre des perspectives immenses pour que les acteurs des filières alimentaires retrouvent un lien au sol, aux saisons et à des variétés plus nourrissantes et savoureuses. Pour autant, croire que le marché permettra à lui seul de développer et de rétribuer décemment le travail du métier d’artisan semencier, c’est se bercer d’illusion.

Même si certains établissements semenciers bio sont tentés de se conformer à la législation en vigueur pour commercialiser des semences non hybrides et libres de droit, s’orienter dans cette voie ne favorisera pas le développement du métier d’artisan semencier; pas plus que l’industrialisation de la bio ne favorise l’installation d’agriculteurs et le développement des territoires ruraux.

S’accommoder notamment des « contrats multiplicateurs » que le GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences et plants) impose de passer entre un établissement semencier et un agriculteur multiplicateur, ne permettra pas d’augmenter la production de semences et de légumes issus des semences de la population; encore moins d’améliorer la rétribution du travail et les conditions matérielles d’existence de ceux qui les produisent.

Ces « contrats multiplicateurs », réservés à des agriculteurs dédiés à cette tâche, ne favorisent en rien la diffusion des savoirs associés au métier d’artisan semencier auprès des maraîchers pour produire librement leurs propres semences et rester ainsi maîtres de leur choix de culture. Au mieux, permettent-ils de restreindre ces variétés à une niche de marché et à ceux qui ont déjà le temps, les moyens et les connaissances pour les cultiver. Ces contrats ont toujours été un moyen pour les industriels de la semence (Limagrain, Syngenta, Bayer…etc) de contrôler le développement de la filière. En cas litige, c’est la Commission interprofessionnelle de conciliation de la section concernée du GNIS  (groupement national interprofessionnel des semences et plants) qui devra être saisie préalablement à toute instance judiciaire. Quel que soit le type de semences concernées, pour le multiplicateur, ce contrat reste un contrat de soumission. C’est un contrat d’intégration qui reproduit un mode d’organisation industrielle horizontale du travail en permettant à des donneurs d’ordre (les établissements semenciers) de capter la valeur ajoutée du travail réalisé par des sous-traitants (les agriculteurs multiplicateurs), tout en leur faisant porter la charge de la responsabilité. Il n’est compatible ni avec les pratiques du métier d’artisan semencier, ni avec les caractéristiques biologiques des variétés avec lesquelles il travaille, ni avec les besoins des personnes impliquées.

La prochaine mise en application de la réglementation phytosanitaire européenne au 13 décembre 2019 vient, de plus, encore renforcer les pouvoirs du GNIS sur les « opérateurs professionnels » qui vont devoir prendre à leur charge des mesures d’autocontrôle, sous son contrôle — l’Etat abandonnant son rôle de service public, garant de l’intérêt général, au service technique du GNIS. Lui confier un tel pouvoir, c’est comme demander à un renard de garder un poulailler tout en interdisant aux poules de le fuir. En plus des moyens financiers, les multinationales de la semence auront bientôt des moyens réglementaires de faire respecter leurs intérêts par les normes sanitaires.

S’il doit y avoir des règles qui encadrent ce métier, et un identifiant qui permette aux acheteurs de repérer un légume issu de semence de population, c‘est aux artisans semenciers eux-mêmes de les établir, en lien avec la recherche publique, pas aux organisations agricoles et paysannes d’en décider en lien avec des établissements semenciers d’un côté et/ou la grande distribution de l’autre.

Aux entreprises qui s’approprient le métier d’artisan semencier, il convient de rappeler qu’un métier, dans la culture artisanale, se rattache exclusivement à une personne physique, pas à une entreprise.

Promouvoir les semences de variétés de la population, c’est préalablement reconnaître que le seul facteur de production est le travail humain, que tout travail mérite d’être dignement rétribué et que celui d’artisan semencier n’échappe pas à la règle. Que ce métier doit être reconnu comme un travail de coévolution des variétés avec la culture humaine et une géographie, un écosystème et un climat, qui ne se réduit pas seulement à « multiplier » des semences mais correspond à un travail de recherche avec le vivant. A ce titre, et parce que la graine est un bien commun, ce travail ne doit pas être exclusivement solvabilisé par le marché mais pouvoir directement bénéficier par exemple d’un crédit d’impôt recherche du fait qu’il représente un investissement d’intérêt général.

L’objet de notre syndicat, ce n’est pas de se conformer à des règles ni de s’en affranchir par principe, mais bien de contribuer à les changer. Si nous définissons la graine comme un être végétal vivant, à contrario du GNIS qui la traite comme du « matériel », ce n’est pas pour une question de style.

Le syndicat des artisans semenciers est ouvert à toute coopération pour bâtir dans les territoires, avec les êtres vivants (animaux et végétaux), des filières alimentaires qui nous nourrissent vraiment, expriment et renforcent notre humanité !

syndicat-artisans-semenciers@protonmail.com

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La « Révolution délicieuse » d’Olivier Roellinger : un livre à lire !

Un livre qui repolitise le sujet alimentaire, rédigé par un cuisinier de métier, cela fait du bien ! En partant de son engagement de chef cuisinier étoilé à Cancale (Ille-et-Vilaine), Olivier Roellinger nous fait découvrir les multiples enjeux politiques et anthropologiques qui se jouent dans une cuisine.

Dans un contexte où des idéologies d’extrême-droite sont soutenues et diffusées par des classes dominantes, et où certains chefs cuisiniers réduisent la gastronomie française à de la toile Vichy, Olivier Roellinger nous rappelle tout ce que la richesse de notre gastronomie doit aux voyages et aux migrations.

En faisant écho au livre « Le Quai de Wigan » de George Orwell, publié en 1937, et en cherchant les raisons qui font que les idées d’émancipations politiques ne gagnent pas davantage l’adhésion du peuple anglais1, l’auteur nous invite à prendre notre alimentation au sérieux car c’est une odyssée parsemée de rencontres délicieuses qui nourrit notre Humanité.

Olivier Roellinger a été par ailleurs l’un des auteurs de la «Lettre ouverte contre l’invasion de l’agrochimie dans nos assiettes» écrite pour mobiliser les professionnels de la restauration préoccupés du rachat du groupe américain Monsanto par l’allemand Bayer, en septembre 2016. C’est à la suite de cet appel que Minga s’est rapprochée de l’Alliance des cuisiniers Slow Food pour conduire ensemble, avec le syndicat des artisans semenciers, des campagnes visant à promouvoir les variétés de la population et le métier d’artisan semencier. A cette occasion, Olivier Roellinger a aussi prèté sa plume à la rédaction de la préface de l’ouvrage « Graines d’une Bretagne d’avenir ».

Nous invitons aujourd’hui tous nos membres, amis et partenaires à déguster ce nouvel ouvrage et à en faire la promotion, sans modération !

Minga, le 3 octobre 2019

1 « Dans les pays hautement mécanisés, les aliments en boîte, la conservation par le froid, les arômes synthétiques ont fait du palais un organe quasiment mort. Comme vous pouvez vous en rendre compte chez n’importe quel marchand de fruits et légumes, ce que la majorité des Anglais appellent une pomme, c’est un morceau de ouate vivement coloré en provenance d’Amérique ou d’Australie. Les Anglais dévorent, apparemment avec plaisir, ce genre de chose et laissent pourrir sous l’arbre les pommes de leur pays. C’est l’aspect brillant, mécanisé des pommes américaines qui les séduit ; le goût bien supérieur de la pomme anglaise est un fait qui leur échappe, purement et simplement. », Le Quai de Wigan, George Orwell – 1937

à écouter également l’émission de Laure Adler « L’Heure bleue » à France Inter du 2 octobre 2019 avec Olivier Roellinger https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-02-octobre-2019

Serres chauffées : la croissance d’une agriculture biologique anti écologique.

Croire que la croissance d’un marché permet de faire avancer un projet de société, c’est comme croire au père Noël quand on est adulte. Or il semble que cette croyance soit encore fortement ancrée dans les organisations de la bio, occultant l’industrialisation de la filière à l’œuvre depuis plus d’une décennie.

La décision du 11 juillet du Comité national de l’agriculture biologique d’accepter le chauffage des serres pour la production française de légumes bio afin d’étendre leur saisonnalité satisfait les intérêts des acteurs de l’agrobusiness, au détriment des engagements à tenir en matière de réduction des émissions de GES et d’évolutions des pratiques de production, d’échanges et de consommation alimentaires. Si cette décision était accompagnée par une obligation d’étiquetage « tomates issues de serres chauffées », qu’elles soient importées ou produites en France, avec ou sans énergies renouvelables (qui peuvent justifier le développement d’élevages industriels pour produire de l’énergie par la méthanisation), on aurait pu considérer qu’il s’agit d’un « compromis ». Mais là, pour tous ceux qui ont soutenu la mobilisation contre les « serres chauffées », le vote de la FNAB (Fédération Nationale d’Agriculture Biologique) en faveur de cette décision est une trahison. En France, en Europe ou à l’international, une agriculture biologique qui ne respecte pas la saisonnalité n’est pas biologique.

Le fait que le nouveau règlement européen de la bio qualifie la semence de « matériel » n’était déjà pas le moindre des indices de cette industrialisation de la bio. Croire que la libération du marché de la semence, ou de la bio en général, permet la promotion d’une biodiversité cultivée sans perdre en qualité, c’est être les idiots utiles des multinationales qui veulent artificialiser le vivant par de nouveaux OGM1. Croire qu’un nouveau signe de qualité plus bio que bio est la solution et que les marchés peuvent s’auto-réguler, c’est persévérer dans l’échec.

Le corporatisme agricole (y compris le corporatisme bio) est l’agent de la destruction de la profession agricole, de la désertification du milieu rural et de l’effondrement des écosystèmes. Pour que toutes les agricultures soient réellement biologiques, il est urgent de tourner la page.

Défendre la biodiversité cultivée, ce n’est pas un slogan commercial, c’est promouvoir un changement de culture économique qui ne confond pas croissance et développement et ne s’affranchie plus de la diversité des réalités géographiques, sociales, économiques et culturelles des territoires au détriment du respect de l’intégrité, de la responsabilité, de l’humanité même des habitants et de tous les métiers concernés.

La biodiversité cultivée invite fortement à bâtir de nouvelles alliances avec la base, au sein et entre les différents mondes du travail et des métiers : repolitisons-nous !

Minga – Faire Ensemble, le 12 juillet 2019

1 cf. notamment le développement des techniques de mutagenèse, les nouveaux règlements visant à masquer les techniques d’obtention et à éviter les procédures d’évaluation des nouvelles variétés, la présence d’hybrides F1 labellisés bio, dans les catalogues de grands semenciers mais aussi promus par des organisations bio.

La terre à ceux qui nourrissent tous les vivants !

Non à la spéculation foncière : solidarité avec Bastien Moysan.

Bastien Moysan est un paysan en sens étymologique du terme : il habite son pays. C’est les pieds dans la vasière de la baie de Daoulas où il récolte huîtres et palourdes qu’il mesure l’interdépendance des écosystèmes, les liens entre milieu marin et travail des champs. Depuis 2004, Bastien cultive en polyculture élevage 22 hectares de terre en agriculture biologique à Daoulas, dans le Finistère. Aujourd’hui ces terres ont été vendues suite à une procédure par adjudication aux enchères. Une demande de préemption auprès de la Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) a été déposée.

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