livre « La Bio entre business et projet de société »
Les éditions Agone viennent de publier un ouvrage collectif écrit sous la direction de Philippe Baqué qui permet d’ouvrier le débat sur l’avenir de la Bio.
Alors que le commerce équitable est devenu en quelques années le commerce de l’équitable, l’agriculture biologique, sur une tout autre échelle, semble prendre malheureusement le même chemin.
Dans les pays industrialisés, la bio est née en réaction à un modèle de production agricole et de distribution alimentaire qui s’est imposé internationalement depuis la première guerre mondiale. Ce modèle consiste à reconvertir les blindés en tracteurs, les explosifs en engrais azotés et les gaz de combat en pesticides. Or aujourd’hui, la bio se contente trop souvent de reproduire les schémas de pensée et les méthodes de l’agro-industrie : les pesticides en moins, le label en plus.
La bio se réduit de plus en plus à une niche de marché entretenue par les organismes de certification dit « indépendants » qui font tout pour dépolitiser la nature du projet de l’agriculture biologique. Par exemple, la question pour le mouvement de l’agriculture biologique ne devrait pas être seulement d’augmenter le pourcentage de plats bios proposés dans les cantines scolaires, mais bien d’œuvrer également pour qu’aucun enfant scolarisé ne soit exclu de la cantine parce que ses parents ne peuvent pas la payer. A défaut, à tort ou à raison, le projet de l’agriculture biologique risque de n’être perçu que comme un argument de vente pour clientèle aisée.
Même s’il est légitime de se regrouper au regard de la difficulté de produire en bio et ce d’autant plus que ce n’est pas l’appât du gain qui motive, adresser aux consommateurs ou aux pouvoirs publics des revendications exclusivement sectorielle, risque d’enfermer le projet de la bio dans une impasse. Cela ne peut pas répondre à la forte demande d’une alimentation plus saine, notamment vis-à-vis des ménages à revenu modeste pourtant préoccupés par la qualité de leur alimentation, tout en limitant des possibilités d’alliances, notamment avec le monde du travail, y compris avec les artisans et les commerçants, nécessaires pour affronter l’agro-industrie. L’actualité témoigne abondamment de ses intérêts et de son influence. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, la récente démission de la présidente de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), pour cause de conflit d’intérêts, alors qu’elle avait rejoint International Life Science Institute (ILSI), association constituée par 400 industriels de l’agroalimentaire, parmi lesquels les groupes Monsanto et Syngenta, très actifs dans le secteur des OGM.
Le projet de la bio n’a de sens que dans le cadre d’une nouvelle politique agricole et alimentaire, ayant pour objectif de sortir toute l’agriculture de la pétrochimie, de garantir l’accès de tous à des produits alimentaires sains et diversifiés et de réconcilier les villes avec les campagnes environnantes.
Il est temps d’ouvrir le débat. La sortie du livre « La Bio entre business et projet de société », sous la direction de Philippe Baqué aux éditions Agone, est un ouvrage bienvenu pour l’alimenter.
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