Relever le défi d’ouvrir une cave à vins à Saint-Denis.
Florence Bion est à l’origine de la création de « La vinothèque de Saint-Denis » — « la« , parce que c’est le seul caviste que l’on trouve aujourd’hui à Saint-Denis. L’activité, son positionnement et sa localisation relèvent en soi du défi et il faut bien avoir les pieds sur terre et une bonne dose de détermination pour le relever et se confronter à la résignation qui lui a été opposée : mais enfin, une cave à vins à Saint-Denis, vous n’y pensez pas ?!
Après avoir travaillé dans les services informatiques de diverses entreprises dont elle retient « la chance d’avoir toujours été entourée de gens curieux, créatifs, qui aimaient leur travail« , Florence deviendra consultante-formatrice en audit informatique, puis directrice d’un service formation dans une association où là, les choses se corsent : « Alors que chacun avait toujours été libre d’exercer sa propre créativité dans son travail, l’arrivée d’un contrôleur de gestion à la direction de l’association a complètement changé la donne. Il jaugeait tout sous l’angle des coûts et de l’efficacité financière, du coup j’ai quitté l’entreprise en mai 2015« . Après ce départ volontaire, Florence se cherche, et se recentre pour trouver une activité qui fasse sens à ses yeux. En discutant avec sa fille, elles évoquent le parcours d’un proche qui avait suivi une formation dans le domaine du vin… L’idée lui plaît et finit par s’imposer.
Florence souhaitait travailler là où elle vivait, à Saint-Denis, et on n’y trouvait plus de caviste depuis mai 2014. Alors ce qu’elle avait cultivé jusqu’ici comme un art de vivre en matière alimentaire, elle en fera l’objet de son entreprise : « Le fait que tout le monde puisse bien manger, sainement et à son goût, m’a toujours préoccupée. Manger, si ça ne procure pas de plaisir, ça perd beaucoup de son intérêt. Dans ma vie personnelle, j’ai été initiée au plaisir de la table et déguster de bons vins en a toujours fait parti. Et puis, c’était un domaine où il était possible de se former. J’ai suivi plusieurs formations à la dégustation, rencontré de nombreux vignerons sur les salons et sur leurs exploitations et je me suis rapprochée d’institutions comme Biodyvin. Tous m’ont beaucoup appris et encouragé dans cette voie. De toute façon, je souhaitais m’orienter vers une activité qui touche au respect de son corps, de la nature et du goût. La vie est trop courte pour se priver de prendre du plaisir et d’en donner aux autres et le vin est un formidable vecteur pour le faire. Toutes les personnes que je rencontre depuis dans le milieu partagent ce même point commun, ce goût pour le travail bien fait, dans le respect d’autrui et de la nature« .
Ouvrir une cave à vins à Saint-Denis n’avait donc rien d’un acte irraisonné. Un choix un peu audacieux, peut-être, car ouvrir un commerce de proximité de nos jours, au regard du prix du foncier commercial, quand on a peu de capital de départ, c’est bien devenu un défi en soi. D’autant lorsque l’on souhaite étendre l’accès à des vins de qualité, biologiques pour la majorité, produits en biodynamie pour la plupart, en étudiant avec soin les rapports qualité-prix. Mais pour Florence, il y avait forcément sur le territoire une clientèle amoureuse des bonnes choses avec laquelle partager la découverte de vins réalisés avec cette exigence de métier. Son étude de marché ne viendra pas la contredire et c’est avec l’aide des services de Plaine commune Habitat, qu’elle trouvera un local adéquat, proche du centre-ville et de la Basilique de Saint-Denis. Côté financement, elle a emprunté à des proches en attendant de bénéficier d’une prime de Pôle emploi équivalent à 45% de ses indemnités chomâge. Puis, les ventes étant insuffisantes pour accompagner la montée en charge de son activité et rétribuer son travail, elle a sollicité des dispositifs publics d’aide au démarrage de ce type de commerce. Sa dernière demande s’est soldée par un ajournement, mais ce qui frappe Florence alors, ce n’est pas tant ce refus que de s’apercevoir qu’elle a été instruite par des personnes qui sont à cent lieues d’apprécier les responsabilités assumées et les réalités vécues par les gérants de commerce de proximité, et restent fort encombrées par des préjugés et des stéréotypes sur les populations du territoire: « mais madame, vos premiers clients, vos bouteilles, ils vont vous les voler! et votre stock, il n’est pas en adéquation avec ce type de commerce« . Entendons par là : « ils me reprochaient mon manque d’expérience et voulaient que j’aille faire un stage chez Nicolas alors que la démarche de cette enseigne est à l’opposé de ce que je souhaite défendre !« .
La Vinothèque de Saint-Denis n’est ouverte que depuis 7 mois et la clientèle étant en nette progression, Florence cherche aujourd’hui les moyens d’employer pour avoir le plaisir de partager son métier et accompagner la croissance de l’activité qui, et plus singulièrement encore sur cette filière, repose sur la capacité à nouer des collaborations professionnelles. « Dans le milieu, la légitimité se gagne à travers les coopérations qui se nouent entre vignerons et cavistes. C’est un monde très ouvert qui sait reconnaître les volontés à l’oeuvre, prendre le temps de se connaître et de laisser la confiance se construire. Cela vient très certainement du métier car c’est un métier de patience, d’observation, d’adaptation… et c’est d’autant plus remarquable quand l’on s’adresse à des producteurs qui font le choix d’une culture en biodynamie ».
Pour construire son assortiment, Florence sélectionne en effet des vins produits en biodynamie dont quelques grands noms déjà bien implantés (Paul Barre, Thierry Germain…) qui permettent d’identifier la Vinothèque à leurs pratiques et de faire connaître des vignerons moins visibles. Elle suit ainsi la démarche de nombreux vignerons qui n’hésitent pas à orienter leur clientèle vers de plus jeunes exploitations et à encourager, comme Philippe Gourdon, les plus jeunes à reprendre le métier. Ces derniers arrivent souvent avec une réelle soif d’innovation et une créativité toute tournée vers l’amélioration des pratiques, le respect des sols et du vivant. Pour Florence, ce sont des engagements forts, importants pour l’avenir, et que les amateurs de bons vins sont amenés à soutenir. « C’est pour cela aussi que je tiens à développer une réelle proximité avec la clientèle. Un de mes plus grands plaisirs c’est de faire se rencontrer des vignerons et des amateurs. Faire venir les producteurs pour qu’ils partagent leur amour du métier, plutôt que j’en parle moi, ça fait parti du coeur de mon métier, et il y a une réelle compétence à développer à ce niveau d’intermédiation ». Pour compléter ses ventes au détail, la Vinothèque accorde ainsi beaucoup d’importance à l’organisation d’événements auxquels associer des vignerons pour monter des ateliers-formation réguliers de découverte du métier, du travail des domaines en biodynamie et de reconnaissance des saveurs de différents cépages *.
Cette culture de la coopération, Florence la partage avec l’association Minga qu’elle a rencontré à l’occasion du travail de prospection mené pour « Alimentons-nous« . Depuis cet événement, Florence distribue les vins de quelques vignerons qui y étaient présents et notamment ceux de l’épicerie fine Moscati, un autre membre de Minga, spécialisé dans les produits de terroirs italiens. Leur passion commune pour un vin de Toscanne les a particulièrement rapproché et La Vinothèque a tenu à le présenter en boutique en s’approvisionnant directement auprès de Moscati : « je leur fais toute confiance car nous sommes dans la même dynamique. De plus ils ont développé des compétences en import que je n’ai pas et c’est une chance de pouvoir en bénéficier pour présenter ce type de vins à ma clientèle« . Quant à ce qui a fini par la faire adhérer à Minga ? : « j‘ai apprécié cet événement et je me suis dit que je pouvais avoir ma place dans une structure qui évolue avec ce type de précoccupation. Je ne savais pas ce que je pouvais y apporter mais je me suis demandée : est-ce que ce type d’association n’a pas déjà, tout simplement, besoin d’adhérent ?« .
* Prochains ateliers de dégustation
de 11h30 à 13h30 sur réservation (30 euros/pers).
Découverte de 6 différents vins par cépage :
dimanche 2 octobre 2016 : Le pinot noir
dimanche 16 octobre 2016 : Le chardonnay
Prochaines rencontres
de 18h30 à 21h, entrée libre.
Découverte de domaines en Biodynamie :
vendredi 7 octobre 2016 : Bernard Duseigneur du Domaine Duseigneur (Châteauneuf-du-Pape)
vendredi 25 novembre 2016 : Franck Pascal du Domaine du Jonc Blanc (Bergerac).
La Vinothèque de Saint-Denis
62 rue Gabriel Péri 93200 Saint-Denis
Ouvert du mercredi au samedi de 10h à 21h, et de 9h à 14h le dimanche.
Tel. : 01 49 17 32 54
email : infos@lavinothequedesaintdenis.fr
www.facebook.com/lavinothequedesaintdenis/