Archives de catégorie : Alimentation

La boulangerie BaraTi’Pain à Baratier dans les Hautes-Alpes

La relation au vivant : ça se travaille !

Depuis son enfance, l’alimentation a traversé les engagements quotidiens, culturels et politiques d’Aulde Cazorla. Permanente de Minga pendant deux ans, elle accompagne la politisation du sujet alimentaire de l’association.
Elle réfléchit un temps sur la mise culture des jujubiers (arbre méditerranéen délaissé), puis habitante à Marseille, elle décide de pousser la porte de « la Casa Consolat » (membre de l’Alliance des cuisiniers Slow Food), cantine populaire du quartier des Réformés. La diversité des publics et des savoirs culinaires font de cette cantine un lieu d’échange et d’apprentissage passionnant. Cette expérience de cuisinière bénévole l’a conduit à se rendre compte qu’elle savait cuisiner plein de choses, sauf la base de notre l’alimentation : le pain.

Mais un pain qui nourrit, c’est toute une histoire. Ce lien entre le pain, la cuisine et les cultures culinaires, l’a amené à s’écarter du métier de « paysan boulanger ». Et ce, notamment vis-à-vis des conditions de travail, du rapport aux corps et des modes de vie qui en découlent pour soi, ses collaborateurs et ses proches.
L’ «École Internationale de Boulangerie» dans les Alpes de Haute-Provence, retient son attention car elle enseigne uniquement le panification au levain en bio. Les méthodes de fabrication du pain sont centrées sur la maîtrise des processus de fermentation à partir des levains. C’est la base et cela conditionne tout le reste : la possibilité d’activer les levains en fonction des plannings de travail (on n’est pas obligé de travailler la nuit) et de choisir sa fermentation. Dans les boulangeries conventionnelles et industrielles, le pain est produit avec des levures, rarement du levain, et quand c’est du levain, c’est un produit sec (déshydraté). Là aussi, l’artisan boulanger est confronté à des logiques d’intégration industrielle par des moulins qui réduisent l’autonomie de l’entreprise et détruisent la dimension artisanale du métier et sa relation au territoire.
À l’issue de sa formation, après une série d’expériences professionnelles (feu de bois, four mobile) dans différentes régions, Aulde et Nicolas Joubert, collègue de formation, décident de monter ensemble une boulangerie dans les Hautes-Alpes à Baratier. Après avoir trouvé un local municipal, ils ont suivi « le parcours du combattant » qui, lorsque l’on a peu de trésorerie, relève d’une persévérance chronophage vis-à-vis des guichets d’accompagnement publics ou privés. Aussi, après avoir obtenu des financements, les associés ont mené en grande partie par eux-mêmes et avec l’aide de leur famille de gros travaux d’aménagement du lieu et investit dans du matériel neuf. La société BaraTi’Pain SAS est créée le 21 janvier 2021 avec une répartition des parts à 50/50 et l’ouverture de la boulangerie s’est faite le 22 février.
Le choix des fournisseurs de la boulangerie s’oriente sur un approvisionnement de proximité en bio, et en farine issue de semences paysannes, adaptée au climat et à l’altitude et broyée sur meule de pierre. De grande qualité nutritive et semi-complète, cette farine garde un maximum de fibres et de minéraux contenus dans les grains et permet de produire un pain à l’IG (Indice Glycémique) relativement bas.
Pour tout ce qui concerne les produits secs (sucres, cacao, sel, graines, vin…), BaraTi’Pain est fournie par la coopérative Epice ainsi que par la BIOCOOP d’Embrun. Un rayon de produits locaux (tisanes, terrines, graines de chanvre, miel…) propose également un petit tour d’horizon de la richesse des productions des artisans territoire.

La clientèle a répondu présente dès l’ouverture. La consécration se trouvant dans des retours positifs émanant notamment des anciens du pays qui confient retrouver le pain de leur jeunesse (du pain qui se garde !) et de jeunes familles qui ont choisi de s’alimenter sainement.
Avec son associé, le souci était de travailler sans s’épuiser et de développer des partenariats qui permettent de partager rapidement les savoirs et savoir-faire. Mi-juin, le BaraTi’Pain embauche Louise Fessard, nouvellement boulangère, élabore de nouveaux produits comme des biscuits à l’agastache avec Céline Soula, Herboriste à l’Abbaye de Boscodon. Et pour la Noël, un nouveau partenariat est en cours avec Yannick Rivera, cuisinier et pâtissier qui conçoit et réalise des tartes, bûches, galettes de rois… Bref, plein de projets à construire autour de la boulangerie.
Concernant la maîtrise du processus de fabrication du pain, il est ici abordé comme un produit issu de matières vivantes. Cela nécessite un accompagnement et une attention à chaque étape, à chaque lot de farine, à chaque saison. Comme précisément rien n’est stable, ni standardisable quand on travaille avec du vivant, l’enjeu de l’ajustement et de la recherche d’« excellence » sont permanents, et c’est ce qui rend le travail passionnant.
Par contre, être associés et non en couple, c’est aussi voir l’héritage patriarcal de l’artisanat persister dans les représentations. Il arrive très fréquemment, quand Aulde ou Louise sont à la production, que des clients pensent qu’elles sont en apprentissage… Le stéréotype du « monsieur est boulanger, madame est vendeuse » a la vie longue. Et quand il y a là comme un ménage à trois, ça questionne d’autant plus !!!
Enfin, pour Aulde, la création de cette boulangerie n’est pas une reconversion professionnelle qui « trouve un sens à sa vie ». C’est le prolongement d’engagements qui l’ont toujours poussée à travailler en permanence son humanité avec le vivant. Cela demande d’assumer pleinement ce qu’il y a de pénible et de passionnant à la fois dans cette démarche qui interdit toute forme de routine.

Les produits du BaraTi’Pain
– des pains de campagne, de seigle, de petit épeautre, de khorosan, pain de riz…. chaque pain étant fabriqué sur place à partir de son levain.
– des brioches, des pompes à l’huile (brioche provençale)
– des biscuits maison (navettes, croquants, canestrellis…)

BaraTi’Pain
rue Guillaume Apollinaire,
05200 Baratier

Soutenons le projet de coopérative « Graines de libertés – Hadoù ar frankiz ».

Valoriser les métiers qui coopèrent avec le vivant, c’est capital pour nourrir nos humanités!

Stéphanie Saliot – pépinière « des fruits des fleurs » – productrice de semences pour « Graines de liberté »

Depuis 2008, Minga s’engage pour le développement d’une alimentation nourricière qui soit accessible à tous, et parmi les leviers à activer d’urgence, le sujet des semences est vite apparu comme central.
Alors même que la culture de semences variétés populations participe activement à une lutte contre l’érosion de la biodiversité et la malbouffe, l’engagement professionnel des artisans semenciers relève trop souvent de la précarité.

Aujourd’hui, les professionnels et citoyens qui veulent en cultiver sont de plus en plus nombreux. Mais le métier d’artisan semencier reste trop peu valorisé pour répondre à la demande. Considérant ces semences comme un patrimoine culturel vivant ne relevant pas du droit de propriété, rétribuer ce travail sans en passer par un dépôt de titre de propriété privée, reste donc un défi.

Dans ce contexte Minga considère la création de « Graines de Liberté – Hadoù ar Frankiz », une coopérative semencière artisanale de l’Ouest Breton, comme un acte majeur d’intérêt général. En visant à rétribuer décemment le travail de production, de sélection, de recherche ainsi que la transmission des savoirs professionnels de semences de variétés populations, « Graines de Liberté – Hadoù ar Frankiz » refuse de faire du travail une variable d’ajustement. Cela nécessite que la coopérative soit dotée de fonds propres pour être en mesure de financer les besoins en trésorerie et d’améliorer déjà, dans un premier temps, les délais de paiement aux producteurs. Mais c’est une ambition qui ne peut être atteinte en comptant seulement sur le marché.
Pour « Graines de Liberté – Hadoù ar frankiz », ces semences sont un bien commun qui doit être accessible à la grande majorité des agriculteurs, jardiniers, pépiniéristes, restaurateurs, artisans et détaillants. Cela demande de porter l’ambition d’une gouvernance partagée pour aborder en profondeur les difficultés de la socialisation des moyens de production (outils, semences, capitaux) en lien avec les autres acteurs des territoires.

La promotion de semences de variétés populations et la reconnaissance du métier d’artisan semencier sont indissociables de la bataille contre les anciens et nouveaux OGM, contre l’artificialisation et la privatisation du vivant.
Parce que c’est un enjeu de territoire, le développement de la production de ces semences est aussi étroitement lié au renforcement des services public en milieu rural.
Parce que la semence de variétés populations est un bien commun qui nous permet de mieux comprendre notre rapport aux autres espèces vivantes, la promotion du métier d’artisan semencier a besoin d’une recherche publique indépendante.

Après s’être mobilisée dans les campagnes « Graines d’un Paris d’avenir » et « Graines d’une Bretagne d’avenir », et avoir soutenu la création du Syndicat des Artisans Semenciers, Minga invite donc désormais chacun d’entre vous à soutenir le lancement de la SCIC « Graines de Liberté – Hadoù ar frankiz », en relayant l’initiative auprès de vos connaissances, en commandant des graines, en rejoignant son réseau de partenaires en tant qu’artisan-semencier, en participant au financement de son capital, en s’y associant d’une manière ou d’une autre pour ne pas avoir à dépendre, demain, d’une alimentation sous contrôle des géants de la tech.

Pour soutenir « Graines de Liberté –  Hadoù ar frankiz » et financer le stock initial, c’est maintenant et c’est ici : https://www.helloasso.com/associations/graines-de-liberte-hadou-ar-frankiz/collectes/graines-de-liberte-hadou-ar-frankiz

 

Pour acheter des graines : télécharger le catalogue
Bulletin de pré-souscription pour devenir associé·e fondateur·trice
de la Société Coopérative d’Intérêt Collectif
Graines de Liberté – Hadoù ar Frankiz

Azade, en avant toute vers la consigne !

Azade, grossiste en produits biologiques depuis 2011, et adhérant de Minga depuis 2016, a décidé de s’engager avec détermination dans la commercialisation de boissons aux bouteilles consignées, et le développement des filières qui vont de pair.

En quelques décennies, les emballages à usage unique ont proliféré dans notre pays au détriment de la consigne (à l’exception de l’Alsace) et si le recyclage du verre, c’est mieux que rien, ça reste énergivore. Selon le rapport de l’association Zero Waste et Reloop, le réemploi d’une bouteille de verre engendre une diminution de :
– 85 % des émissions de gaz à effet de serre comparé à son équivalent à usage unique ;
– 57 % par rapport à son équivalent en aluminium ;
– 70 % au regard de son équivalent en plastique (PET, polytéréphtalate d’éthylène).

Malgré l’enjeu que représente pour les collectivités locales la gestion des déchets sur les plans écologique et financier 1 (aggravé par les confinements successifs), et le souhait de plus en plus de citoyens de s’engager dans la réduction de leurs déchets, la volonté politique tarde à se traduire en actes, arguant explicitement de la difficulté de la grande distribution à s’adapter 2. De fait, les circuits longs de distribution construits depuis un demi-siècle par la grande distribution compliqueraient et renchériraient une éventuelle gestion de la consigne, ce qui entraînerait pour ces structures un désavantage concurrentiel face à des acteurs mieux relocalisés. Cependant, grâce au mouvement zéro déchet, incarné commercialement par le fort développement des épiceries vrac de proximité, les lignes sont en train de bouger.

Azade a démarré la gestion de la consigne il y a plusieurs années, en intégrant à son assortiment des boissons belges et, dans une moindre mesure, allemandes, ainsi que de l’eau alsacienne en bouteilles consignées. En Belgique, une incitation fiscale forte a permis le maintien à très grande échelle de la consigne, via des droits d’accises (impôt indirect perçu sur la consommation, parfois aussi le seul commerce de certains produits, en particulier le tabac, l’alcool et le pétrole et ses dérivés) sur toutes les boissons fortement majorés pour les entreprises faisant le choix de l’emballage à usage unique. En France, la taxe sur les emballages, dont les recettes financent le recyclage, et non le réemploi, reste dérisoire et n’a aucun impact incitatif réel.

La croissance des épiceries vrac, et leur demande spécifique pour des produits consignés, a récemment fait de la consigne un argument commercial, incitant tout un écosystème d’acteurs français à investir le sujet. Pour le rayon liquide, la consigne permet en effet une offre zéro déchet, avec zéro investissement (pas besoin de machines compliquées de distribution de vrac liquide), zéro risques du côté de la répression des fraudes (le produit est aussi bien conservé qu’en verre perdu, et la mesure du volume est faite en amont par le fabriquant), et la possibilité d’une profondeur de gamme attractive.

Le déploiement de la consigne en France est confronté à plusieurs obstacles de taille : non incitation fiscale au réemploi, taille du territoire, absence de matériel et de compétences en lavage chez les producteurs, chaînes de production réglées pour un emballage carton, et surtout absence d’économies d’échelle pour le démarrage, sans réel soutien des pouvoirs publics…
La solution mise en place pour les producteurs français a été le choix d’un système ouvert, où producteurs, distributeurs, détaillants et laveurs indépendants coopèrent, chacun assumant la responsabilité de la partie correspondant à son métier. Cela a permis de démarrer avec les plus motivés, sans attendre que tout le monde soit d’accord et prêt « en même temps ».

Plutôt que d’imposer un fonctionnement standardisé, Azade et ses partenaires se sont engagés dans un modèle horizontal de coopération où chacun peut continuer d’assumer ses choix économiques dans la diversité. Plutôt que de raisonner croissance déterritorialisée, intégration et économies d’échelle, la stratégie retenue par Azade est de penser son développement à partir d’un territoire régional, en l’occurrence un grand quart nord de la France comprenant les Hauts de France et l’Ile de France.

Les résultats arrivent rapidement. En à peine un mois, les ventes de lait bio en bouteille consignée ont atteint quatre fois le volume vendu auparavant en packs carton. Idem pour le vin : le lancement d’une gamme consignée en avril s’est traduit par plus de 1000 bouteilles vendues dès le premier mois. S’ouvre donc une dynamique de développement local important, qui ne repose pas sur la standardisation, mais sur une coopération de métiers, où chaque acteur assume sa part de responsabilité jusqu’au client final.

En savoir plus : https://www.azade.fr/bouteilles-en-reemploi/

1. [coût annuel pour les collectivités d’environ 11 milliards d’euros, dont environ 10% pour la gestion des emballages. https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2019.09.12_la_consigne_impact_financier_pour_les_collectivites.pdf] title= »Retour à la note 1 dans le texte » href= »#ref1″>

2. [« Il y a de multiples acteurs et de multiples acheteurs en supermarché, contrairement aux hôtels et restaurants qui eux ne travaillent qu’avec quelques grossistes. On ne peut pas calquer ce modèle », rétorque la députée Aurore Bergé (député LREM rapporteuse de la loi « Climat ») en mars dernier https://reporterre.net/Generaliser-la-consigne-du-verre-Le-plus-tard-peut-etre-du-gouvernement]title= »Retour à la note 1 dans le texte » href= »#ref1″>