Historiquement, la sélection et la production de semences constituaient une pratique et un savoir-faire paysan, et plus modestement des jardiniers. L’exode rurale, l’évolution des modes de vie, des technologies et de l’organisation de l’économie ont profondément bouleversé cette situation.
Quand plus de 85 % des aliments commercialisés dans les magasins bio sont issus de semences présentées comme « modernes » (dont des hybrides F1, CMS, OGM cachés…), les postures de principe qui refusent toute évolution ne tiennent plus. Quand plus de 75 % des variétés traditionnelles ont disparu de la circulation depuis 50 ans, il est plus que temps d’arrêter l’hémorragie.
Face à la pression de l’agro-industrie, peu de jardiniers et d’acteurs professionnels des filières alimentaires sont en mesure de faire évoluer leurs pratiques pour (re)découvrir les variétés paysannes et toute la richesse de la biodiversité cultivée. Les nouvelles connaissances et la prise de conscience des ressources limitées de notre planète ne permettent pas d’être nostalgique de ce qui se pratiquait avant l’ère industrielle, ni de l’idéaliser. Dans ce domaine comme dans d’autres, une nouvelle donne est nécessaire: ré-organiser les filières alimentaires autour de métiers identifiés, autonomes (même lorsqu’ils sont pratiqués par une même personne) et reliés de par la reconnaissance de leur contribution respective à une alimentation de qualité.
Produire une semence paysanne de qualité, adaptée à la diversité des sols ruraux ou urbains, à l’évolution du climat et à des exigences gustatives et nutritionnelles élevées, est un métier en tant que tel. Il met en jeu des techniques culturales et des connaissances scientifiques distinctes de celles du maraîchage ou des autres métiers regroupés aujourd’hui sous le vocable agricole ou paysan; très différentes des procédés d’obtention ou de sélection de variétés mis en œuvre parmi les acteurs de la filière semence reconnue à ce jour.
Même si les usages ne se restreignent pas à l’alimentation (bâtiment, textile, pharmacopée…), développer une alimentation de qualité en respectant le travail nécessite de développer la profession d’Artisan Semencier, en étroite relation avec toutes celles et ceux qui utilisent des variétés paysannes (maraîchers, épiciers, restaurateurs, familles…). Mais encore faut-il que l’activité permette une rétribution correcte et équitable de ce travail. Or, malgré les beaux discours sur la préservation de la biodiversité, le travail d’artisan semencier reste l’une des variables d’ajustement pour maintenir des activités agricoles et cela ne permet pas la qualité qu’il serait souhaitable d’atteindre.
Aujourd’hui l’exercice de cette profession se confronte à une double difficulté :
- L’activité commerciale est illégale quand elle répond à la demande d’agriculteurs, et seulement tolérée quand elle répond à celle des jardiniers. L’interprofession, gérée par de grands groupes industriels semenciers (Limagrain, Monsanto . . . ) qui contrôlent le marché de la semence et donc de l’alimentation, refuse de la faire évoluer vers une législation qui reconnaisse pleinement les variétés paysannes.
- Les caractéristiques intrinsèques aux variétés capables de continuer à évoluer avec le vivant, les usages sociaux, les différents terroirs et modes de culture, sont incompatibles avec le dépôt d’un brevet ou d’un certificat d’obtention végétale. Or c’est sur ces outils juridiques que reposent aujourd’hui à la fois l’appropriation du vivant et l’impossibilité, pour un artisan semencier, dans ce cadre réglementaire, de rétribuer le travail de recherche lié à l’obtention, à l’évaluation, à la sélection ou à l’évolution d’une variété.
Minga et les artisans semenciers Germinance, Graines del Païs et Jardin’envie unissent donc leurs efforts pour œuvrer ensemble à la construction d’un modèle économique de filières alimentaires basées sur les variétés paysannes et à la reconnaissance de la profession d’Artisan Semencier; deux étapes nécessaires pour reconquérir notre autonomie alimentaire, la liberté de choisir ce que nous mangeons, la liberté d’exercer nos métiers de manière à produire de l’intérêt général.
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