Situé au 51 de la rue du Sahel dans le 12ème arrondissement de Paris, renouant avec l’esprit du café de quartier, l’établissement a pris place dans les murs d’un bistrot du XIXème siècle, l’ancien café de la gare Bel-Air (sur la ligne ferroviaire Bastille / Vincennes ouverte en 1859), immortalisé par Georges Méliès dans le court-métrage « Panorama Pris D’un Train En Marche » en 1898 .
Cette portion de voie ferrée entre Bastille et Vincennes a été réhabilitée à partir de 1988 pour devenir un lieu de promenade plantée, la Coulée Verte.
Crée à l’initiative de Patrick Rebourg en 2007, « la Coulée douce » propose un service de bar-restaurant-épicerie à partir de produits alimentaires de qualité artisanale dont certains issus de l’agriculture biologique. L’épicerie propose une gamme de produits des membres de Minga (Saldac, Andines, Azade, sol à sol…)
Le café organise régulièrement des animations thématiques comme par exemple le Kafemath (soirée dédiée aux mathématiques), et des spectacles concerts orientés musiques du monde (latino, salsa, bossa nova, jazz, rock, pop, blues, chansons françaises, paroliers…).
Comment es-tu passé d’un emploi de cadre comptable au sein d’une multinationale, au métier de cafetier, avec le projet d’ouvrir un bar ?
Je ne me voyais pas comptable toute ma vie et j’avais un amour des bars, que j’ai beaucoup fréquentés durant mon adolescence à Châtellerault. En 1997, j’ai pris une année sabbatique pour faire le tour du monde. La fréquentation de guest-houses m’a donné l’envie d’une reconversion professionnelle. Une restructuration interne liée à la délocalisation de mon emploi vers l’Europe de l’Est m’a donné l’opportunité et les moyens de faire le grand saut. J’ai suivi une formation de « Quatre Mâts Développement » à Marseille pour approfondir mon projet au regard de la nature des engagements qui m’animaient.
Je ne voulais pas ouvrir un café à thème qui segmente une clientèle de CSP+ ou une communauté militante, mais un café populaire ouvert à tout public. C’est la raison qui m’a conduit à garder le PMU et à continuer de distribuer « le Parisien » dans le café, à faire en sorte que les parieurs puissent rencontrer des amateurs de produits bio équitables, et réciproquement ! J’ai fait d’ailleurs de » la Coulée douce » le plus petit PMU d’Île-de-France !
Si l’accès à une terre pour un agriculteur est un parcours du combattant, l’accès à un fonds de commerce pour ouvrir un bar n’est pas non plus une promenade de santé. Comment cela s’est passé pour toi ?
La première difficulté est financière. Trouver un fonds de commerce bien situé, ou pas trop mal placé à Paris, cela revient à disposer d’un montant largement supérieur à 100 000€ et c’était hors de mes moyens. « La Coulée douce » est donc une adresse commercialement mal située, ce qui est un handicap réel pour la montée en charge de l’activité et construire une clientèle. Si l’emplacement ne fait pas à lui seul le succès d’une activité, il y contribue fortement et on peut mourir de soif près d’un puit. Le café a beau ne pas être loin d’un arrêt de bus et de la station de métro Bel-Air, le nom même de la rue, rue du Sahel !, est sur ce plan bien à propos !
Après la fermeture de la gare au siècle dernier, le café a été un lieu bien fréquenté jusqu’en 2000. Suite à quoi 3 reprises successives malheureuses, avec une fermeture du lieu pendant un an, ont totalement tué l’activité. En plus de l’enclavement, le fond de commerce était, comme on dit, « cramé ».
La seconde difficulté, c’est que si tu n’es pas fils de cafetier, ou restaurateur avec une solide expérience, les banques ne t’accordent pas de crédit, même avec des apports non négligeables. L’exigence métier peut s’entendre, mais pour les banquiers, cela relève plus d’une attitude qui entretient un corporatisme. J’ai dû solliciter 11 banques avant d’en trouver une.
Depuis ton installation, quelles sont tes plus grandes satisfactions professionnelles ?
L’atmosphère de certains repas du midi, proche d’une auberge, où les problèmes de la vie quotidienne des gens s’estompent le temps d’un repas et où se font parfois des échanges entre des gens qui ne se connaissent pas. Bien sûr l’ambiance ne se décrète pas. Elle se suscite par un ensemble de choses (le goût, les odeurs, le cadre, la lumière, la musique, l’humeur du bistrotier, l’actualité du jour commentée sur le zinc…). Quand cela prend, on a de manière fugace un sentiment d’accomplissement. Il arrive parfois que certains clients me disent qu’ils ont l’impression d’être en province dans le café, cela me fait plaisir.
L’organisation de certains concerts aussi, a permis d’établir des relations entre le public, les clients et les musiciens, et ça, c’est vraiment des moments de grâce. Des moments d’inspiration, qui portent les musiciens dans l’envie de composer. Parfois, « la Coulée douce » se transforme en studio d’enregistrement pour certains groupes de musique qui apprécient l’atmosphère intime du lieu.
Quels sont les moments les plus difficiles auxquels tu as dû faire face ?
J’ai hérité d’un souci juridique lié à un contrat brasseur du gérant précédent, qui m’a fait douter de la poursuite de l’activité.
La baisse de l’activité en 2012 a également failli être fatale pour l’entreprise.
Enfin , globalement, c’est un investissement professionnel important qui n’est pas facile à faire coïncider avec une vie de famille, d’autant que la rétribution du travail n’est pas en proportion des efforts fournis et des responsabilités assumées. Même si la famille se plaît à être dans le café, cela reste un lieu de travail.
Est-ce que tu estimes que ton travail est justement rétribué ? As-tu la possibilité de prendre des congés ?
Prendre des congés est indispensable , mais aujourd’hui cela reste des congés non payés !
Quels sont les projets que tu as envie de réaliser ?
Consolider l’activité, asseoir le fond de commerce et m’impliquer plus fortement dans la vie du quartier. Je souhaite également développer une distribution de légumes frais provenant directement de maraîchers du bassin parisien et renforcer l’activité épicerie.
Quelles sont les raisons qui t’ont conduit à adhérer à Minga ?
J’ai découvert Minga par le stage sur l’entrepreneuriat en commerce équitable organisé par « Quatre Mâts Développement » à Marseille. L’approche non « normative » du développement d’une activité commerçante qui soit davantage centrée sur la valorisation du travail, le long d’une filière, faisait écho à la nature de mes convictions.
Le 16 mars 2015, tu as participé au premier forum francilien des professionnels de l’alimentaire en circuit-court « Alimentation Générale ! », organisé par Minga. Quel regard portes- tu sur cette initiative ?
Cette initiative m’a beaucoup plu, parce qu’elle permet de nouer rapidement une multitude de contacts avec des fournisseurs potentiels au cours d’une seule après-midi. Le format court des rendez-vous de 15 minutes, c’est pragmatique, cela oblige à être concis, on ne perd pas de temps, un temps précieux quand on tient un commerce de proximité. A la suite de cette initiative, j’ai établi des relations avec la brasserie parisienne « la Baleine » et le torréfacteur « Esperanza » . Et même si tous les rendez-vous ne se sont pas conclus par un partenariat, cela m’a permis d’affiner mes besoins. En organiser deux par an, cela serait vraiment utile.
Comment définirais-tu la dimension d’intérêt général de l’activité de « la Coulée douce » ?
« La Coulée douce » est une sorte d’oasis dans la rue du Sahel, elle agit comme une mini salle des fêtes de quartier, elle contribue fortement à la vie du quartier, à faire du lien social, à réduire la distance sociale… pour de vrai ! Quand nous avons entrepris de lancer la fête des voisins où chacun était invité à amener son manger et que l’on a réussi à mobiliser plus de 100 personnes du quartier, c’est dans ce genre d’initiative, de mobilisation collective, que s’incarne le fait d’être « producteur d’intérêt général ».
« La Coulée douce » est aussi devenue une adresse reconnue par des musiciens de Paris qui apprécient la singularité de son atmosphère, et c’est cela aussi être « producteur d’intérêt général »
Téléphone : 01 43 41 36 62
Email : barlacouleedouce@free.fr
Accès: métro Bel Air (ligne 6)