La création d’une coopérative loi 47 dans le domaine de la production de solutions informatiques en open-source mérite un regard attentif sur sa première année d’activité. Ce que la confrontation de Libre Informatique au modèle économique BigData (captation massive et rarement consentie des données des usagers) révèle et met en perspective interpelle chacun d’entre nous et les usages que nous avons du numérique à titre particulier et professionnel. Son expérience est aussi très enseignante en terme de gouvernance d’entreprise en multi-sociétariat; la coopérative étant portée par 21 associés (dont 2 sociétés d’investissement solidaires Cigales, Garrigue, et la CAE Coopaname) et 3 associés salariés).
L’apprentissage du « faire ensemble », un cheminement qui se travaille.
Une fois la société constituée, la première étape a été de faire migrer les contrats initialement établis en tant qu’entrepreneur-salariés, au sein de la CAE Coopaname, vers la coopérative. Et de procéder à une homogénéisation de la politique tarifaire et de la communication. Cela a demandé un vrai travail de pédagogie vis à vis des clients qui tendent à confondre entreprise et entrepreneur. En interne également, quand on a été habitué pendant des années à travailler en indépendant, prioriser les actions en fonction de l’intérêt de la coopérative, c’est un changement de culture professionnelle radical. L’apprentissage de la délégation et de la répartition des tâches est un exercice qui n’est pas spontané (les urgences des uns ne sont pas forcément celles des autres). Et même si certains robots peuvent aujourd’hui passer l’aspirateur, la vie quotidienne dans un lieu de travail (ménage, approvisionnement pour les repas, …), ça se travaille aussi !
Le frottement à une culture d’achat marquée par l’emprise les logiciels propriétaires (l’achat de licence) et le modèle économique bigdata.
Pour Libre informatique, préciser des relations contractuelles avec ses clients n’est pas toujours facile quand la facturation porte sur la prestation de service fourni, et non sur l’achat d’une licence de logiciel.
Mais La solution e-venement de Libre Informatique qui propose un service de billetterie, répond a un besoin dans le domaine la culture et du sport, auprès de professionnels de plus en plus sensibles à la maîtrise de l’usage des données collectées en billetterie, ainsi qu’à une relation contractuelle tarifaire fixe, qui ne soit pas établie sur un montant prélevé sur les billets vendus.
La solution rencontre également un écho auprès des agglomérations dans la gestion mutualisée de leurs équipements culturels et de loisir.
Et la mise en œuvre de ce type de solution permet parfois aux clients de prendre conscience de la porosité et de l’insécurité des outils proposés par « Google » (GMail, Dropbox,…etc).
Le social ? vaste programme !
La croissance de l’activité conduit l’entreprise à effectuer des embauches. Mais définir un profil de poste, identifier les qualifications requises tout en tenant compte des besoins d’une petite entreprise, ce n’est pas simple non plus. La conduite de l’entretien rappelle douloureusement que l’on est en crise. Comment retenir ou écarter tel ou tel candidat entre ceux qui ont de l’expérience, mais ont été cabossés par leurs expériences précédentes, et ceux qui n’en ont pas ? De remise en question en remise en question, cela conduit parfois des personnes très qualifiées à manquer totalement de confiance en elles.
Le paradoxe, redoutable, c’est quand proposer un salaire élevé et un CDI pour attirer des candidats de qualité suscite plus d’inquiétude que d’intérêt. Le recrutement peut en devenir encore plus difficile, si ce n’est impossible.
Vie professionnelle/vie privée : entre la montée en charge de l’activité et l’apprentissage de la gestion d’une coopérative, le temps de travail déborde largement sur la vie privée !
Éviter que le travail n’envahisse la sphère de la vie privée est le lot de toute entreprise et ça l’est d’autant dans le secteur de l’informatique où la culture de l’instantané est particulièrement bien ancrée. Pourtant, paradoxalement, défendre le respect de la vie privée est au cœur même de l’objet social de la coopérative Libre Informatique.
Quand on est confrontés à la réalité économique, mettre sa pratique professionnelle en conformité avec ses idées impose de se tenir à des lignes de conduite pour éviter de ressentir le besoin d’être en permanence disponible (en particulier lorsqu’on se retrouve avec des fils à la patte comme avec par exemple les smartphones), au risque de ne plus se rendre vraiment disponible pour ce qui est importante.
Cela oblige à ne pas tomber dans le consentement généralisé imposé du « c’est pratique, et on n’a rien à cacher ».
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