Une politique de l’économie de proximité à grande échelle en Bretagne.

Contribution aux débats politiques des élections régionales

des 6 et 13 décembre 2015.

Alimentons-nous, Alimentons la démocratie.

Renoncer à la démocratie parce que nous sommes confrontés à une situation exceptionnelle, c’est légitimer les commanditaires des assassinats du vendredi 13 novembre. Ce n’est donc pas parce que les élections régionales sont placées sous le signe de la sécurité nationale et que l’état d’urgence à été décrété pendant 3 mois qu’il faut que les élections se résument à un plébiscite et que nous devons nous abstenir d’alimenter le débat public. Plus que jamais, faire vivre le débat des idées et des faits est une question de salut public. Par respect pour celles et ceux qui sollicitent nos suffrages, nous nous devons d’y prendre notre part.

Faute d’avoir anticipé une crise prévue depuis longtemps, la région Bretagne se confronte à une mutation de son modèle économique socialement douloureuse, et singulièrement celle d’un secteur agro-industriel à bout de souffle. Ce n’est plus seulement un secteur d’activité qui est en crise, c’est toute l’économie régionale qui est concernée. Pour rendre possible une évolution de la production agricole vers des activités rémunératrices pour le travail agricole, et plus écologiques pour répondre aux attentes des consommateurs en matière de qualité, la mutualisation des dettes des exploitations agricoles par un organisme géré régionalement est une évidence. Ayant bénéficié de l’aide du contribuable en 2008, le secteur bancaire, notamment le Crédit Agricole, pourrait être mis à contribution. Cela doit également s’accompagner d’une politique foncière beaucoup plus ambitieuse afin de faciliter l’installation de nouveaux agriculteurs, une politique qui encourage des marchés de proximité, qui favorise des liens de coopération professionnelle dans la filière des métiers de bouches (agriculteurs, pêcheurs, épiciers, bouchers, poissonniers, transformateurs, restaurateurs). Dans cette orientation, les acheteurs publics (restauration scolaire, hôpitaux, maisons de retraites) sont invités à prendre pleinement leur part de responsabilité.

Engager une politique économique régionale ambitieuse, c’est sortir d’une obsession politique qui fait du désenclavement par rapport à Paris la condition du développement de la Bretagne. Obsession qui lui en fait oublier sa géographie: en premier lieu, que la Bretagne est une région maritime. Mettre en valeur la vocation maritime de la Bretagne au plan économique, c’est révéler tout le potentiel d’activités et d’emplois qui en découle dans le domaine des transports, de l’énergie, de l’alimentation, de la cosmétique ….etc. L’activité touristique est certes importante, mais n’a pas vocation à se substituer à toutes les autres.

Mettre en œuvre une politique de proximité à grande échelle en Bretagne, cela doit se traduire par l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes qui contribue à aggraver un déséquilibre Est/Ouest en Bretagne. L’intérêt général, en matière d’infrastructure, doit être porté sur la maintenance et le développement du réseau ferroviaire et le réaménagement des ports bretons pour développer l’activité de cabotage sur l’arc atlantique.

En Bretagne, nombreux sont ceux qui n’attendent pas que les solutions viennent d’en haut et le retour d’une hypothétique reprise de la croissance pour agir et entreprendre, qui n’attendent pas de se conformer à une norme de « qualité » pour se sentir socialement et écologiquement responsables. C’est dans ce vivier d’initiatives économiques, portées par des PME, des TPE artisanales, des commerces de proximité, que se dessine un nouveau modèle de développement économique plus sobre, plus innovant, plus respectueux des travailleurs et attentif à la qualité du travail.

Le sujet n’est pas de débattre sur le montant alloué à tel ou tel dispositif, de lancer des bourses aux projets en considérant que l’addition de projets exemplaires font une politique, mais bien d’ajuster les dispositifs publics à la réalité des acteurs et à la diversité des métiers, d’encourager une culture de coopération économique. Cela nécessite des interlocuteurs administratifs capables de mener une analyse économique où le travail, y compris celui qui est à son compte, ne soit pas automatiquement la variable d’ajustement de l’activité pour financer le développement d’une entreprise. D’avoir une vision moins rigide des dépenses de fonctionnement et d’investissement, considérant que le travail participe aussi à l’investissement d’une entreprise et ne pas imposer systématiquement qu’une activité productive soit rentable dès la première année d’exploitation.

Cela nécessite la mise en œuvre d’une politique régionale ambitieuse en terme de développement d’économie de proximité qui revient à :

  • Faciliter les conditions d’accès aux capitaux, en soutenant le développement de l’épargne solidaire en Bretagne et les sociétés coopératives de capital-risque. Veiller à ce que La BPI soutienne vraiment les TPE. Considérer également que l’innovation en matière économique ne réside pas exclusivement dans la création de start-up ou dans le fait de faire de toute entreprise un produit spéculatif.
  • Créer une monnaie complémentaire régionale pour encourager les échanges entre les acteurs économiques Bretons.
  • Créer un office public foncier artisanal et commercial permettant de favoriser l’installation, avec notamment des loyers évolutifs qui permettraient d’accompagner la montée en charge progressive des activités. Soutenir les villes bretonnes qui encouragent les propriétaires de cellules commerciales à louer leurs locaux à des prix raisonnables par une politique fiscale adaptée.
  • Faire en sorte que les politiques de soutien à l’innovation et à la recherche ne soient pas systématiquement liées aux nombres de dépôts de brevets.
  • Encourager des initiatives permettant de renforcer les liens de coopération professionnelle entre acteurs d’une filière (ex : développer des conventions d’affaires pour favoriser des liens de gré à gré entre épiceries, restaurateurs, artisans, bistrotiers, hôteliers et agriculteurs).
  • Au regard du développement des machines-outils numériques, encourager des partenariats entre les informaticiens et le monde artisanal pour produire des logiciels en format ouvert, permettant aux artisans de rester maîtres de la conception de leur ouvrage.
  • Être attentif à ce que les politiques locales d’économie sociale et solidaire s’ouvrent au monde de l’artisanat, du commerce de proximité, que les critères d’entreprise d’utilité sociale leur soient accessibles.

Redonnons de la vigueur au débat des idées et des faits : alimentons-nous, alimentons la démocratie.

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